Je barre la porte, je quitte ma maison et monte sans me retourner dans la voiture qui m'emmène à la gare. Mon fils et son père m'accompagnent. J'bécote mon Thomas une dernière fois et je rejoins mon chum Laurent à Orléans chez ses parents. Nous avons découvert avec délice quelques expressions canadiennes grâce au cours accéléré de Marc et France, québécois que nous allons rencontrer dans quelques jours.
Dimanche 1er mai, Nous passons à Orléans embrasser les parents de Laurent. Sa maman me glisse quelques clochettes de muguet dans le sac...l'émotion est contenue, ses yeux un peu noyés, mais elle tient le coup. Ce sera long un an !  Nous avons initié nos parents à MSN afin de garder un contact visuel pour que ce soit moins dur.
Tout va vite.
Nous arrivons à Roissy à 11h30 alors que notre vol est prévu à 16h. Coup de chance, celui de 13h15 n'est pas complet... en vingt minutes nous enregistrons et embarquons. Un plateau repas et trois films plus tard, nous arrivons à Montréal à 14h30 avec quatre heures d'avance !
Le Canada…Premiers rayons d’un soleil timide qui mettent fin à quinze jours de pluie et de froid. Le printemps est en retard. Et ici c’est particulièrement gênant car  les beaux jours sont comptés.
Laurent, via le site Horizon Unlimited, dédié aux motards voyageurs du monde entier, est en contact avec Ness. Il s’est proposé de nous héberger, et de nous aider dans nos démarches pour récupérer la moto à notre arrivée à Montréal,

Débarquer au Canada, c'est pas comme débarquer sur Mars ! Malgré tout, c'est bien agréable de savoir que quelqu'un vous attend. Il nous reçoit comme si nous étions de sa famille. Bien calés dans les sièges en cuir de la Mercedes, nous découvrons la ville.
Ness, est québécois anglophone, retraité de Xerox. Il avance nonchalamment sur ses 67 ans et promène sur la vie son regard bleu acier et son sourire narquois.
Grand bourlingueur des mers, Captain, International Yachtmaster, il convoie des bateaux d'un continent à l'autre pour le plaisir, pour le fun, pour l'aventure. Et quand il n'est pas sur un bateau, il enfourche sa BMW 1200 GSA ou sa 1800 HONDA Custom et trace jusqu'au Mexique. Il voyage seul, aime les rencontres. Charmeur, souriant, bronzé et musclé il se promène pieds nus comme Yannick Noah et n'a pas son pareil pour vous cuire une pièce de bœuf aux herbes, saignante et tendre comme du beurre. Tout un cérémonial ! En fait son fils Jody et lui ont monté une grosse affaire à Toronto, le Wildfire Steackhouse, tout s'explique.
Il prévoit de partir en Amérique du Sud et pourquoi  ne pas venir nous rejoindre au Chili ou en Argentine ?
Ness, nous chouchoute, il nous prête son lit, une pure merveille de confort. Imaginez ce que pourrait être une nuit dans un nuage ! Son appartement se situe face au Parc Mont Royal. Du balcon, au 4e étage nous levons notre Corona bien fraîche au soleil couchant.
Discussions autour des voyages, de l'actualité. Ben Laden vient d’être tué par les américains,  et les élections du 1er ministre canadien, sont en cours. C’est l'occasion d'en connaitre un peu plus sur la situation politique du pays entre les fédéralistes (anglophones) et les séparatistes (francophones) qui viennent de subir un gros revers à cette élection. Les canadiens francophones sont très pointilleux sur le français et traquent l’anglicisme avec fougue. Par exemple, il n’est pas écrit « STOP » sur les panneaux routiers mais « ARRÊT », un « showroom » s’appelle une « salle de montre » et il y a des dizaines d’exemples aussi savoureux.
Conversations en anglais, où quelques mots de français viennent s'égarer. Ce qui est amusant, c’est que lorsqu’il s’exprime en français il a l'accent québécois !
Le jet lag nous surprend à 4h du matin, on mange un petit encas, et nous replongeons avec volupté sous la couette en plume.

Le matin, Ness part bosser, il prend sa moto et nous laisse les clés de son char.
Merci à toi, Ness, notre « Oncle d'Amérique ! ». 
La première journée commence aux aurores, mais sera super efficace ! Je prends le volant de la Mercedes automatique, et grâce à Laurent et son « GPS interne » nous trouvons notre chemin sans difficulté dans le dédale des grandes artères et voies rapides de Montréal. Direction les bureaux du transitaire, puis la douane pour régler les tracasseries administratives. La visite de la box par les douaniers se fera dans l'après midi. Nous profitons de ce délai pour contacter des courtiers en assurance. Encore une fois les relations, que Laurent a nouées via Internet avec des gens très sympas comme François Comminardi, du journal « Sports Motorisés » et  Chantal Cournoyer de la grande concession BMW Montréal, seront notre sésame pour obtenir assez facilement l’assurance moto indispensable qui nous couvrira sur tout le continent américain.

En début d’après midi, retour aux entrepôts, il est impossible de photographier, il n'y a donc aucune trace de la frénésie qui nous prend pour dépouiller, au pied de biche, la caisse qui protège la BMW. Les gars de l'entrepôt ont été sympas, car ils nous ont débarrassés des restes déchiquetés de la boite. 
Laurent n'en peut plus, en manque d'elle depuis deux mois, il rebranche la batterie et sa belle reprend vie au premier tour de clé.

Cette première journée menée tambour battant se poursuit au supermarché. Ah ah, magasiner ! Mon grand plaisir, dans un pays étranger ! Je visite tous les rayons. Il y a tellement de choses nouvelles que je pourrais remplir trois chariots pour tout goûter, comme le sirop d'érable, la jelly verte ou rose, les énormes haricots en boite du Chili, ou bien des sucreries inconnues dans nos rayons. Nous constatons consternés, que le prix des vins, du fromage et des légumes sont exorbitants. Il faudra faire attention de ne pas trop se lâcher sur ces denrées.
Ce soir nous dinerons d'un poulet rôti, accompagné d'une salade verte d'un Ste Maure et d’une ratatouille, prépararée par moi-même, qui soit dit en passant deviendra célèbre dans toutes les Amériques. Ce sera MA recette du voyage. Á chaque fois que je serais amenée à faire la cuisine chez des gens, je préparerai de la ratatouille. L’avantage c’est que quelque soit le pays, on trouve toujours des tomates, des poivrons, des courgettes, de l’ail, de l’oignon, de la coriandre et du cumin. Nous arrosons le repas d’un vin français. Pas très Canadien tout ça !
Mardi matin, Ness se propose de nous accompagner pour découvrir la ville. Nous sortons les motos et direction Downtown.

Premier arrêt au port sur un bras du St Laurent. Tout ce qui nous entoure nous surprend, l’architecture de certains immeubles, conçus comme un assemblage aléatoires de cubes de béton et les toits vert de gris de majestueux bâtiments. 
Sur L’Île Notre Dame, nous empruntons même un tronçon du circuit de F1 « Gilles Villeneuve » sur lequel veille une gigantesque géode de verre et d’acier.

Quelques gouttes annoncent le déluge qui s'abat sur la province ! Ness consulte la météo et confirme que la pluie s'invite jusqu'à la fin de semaine. « Ah Crisse de Calice ! ».
Marina, son amie d'origine russe nous rejoint pour dîner, nous combinons nos talents culinaires, et mélangeons nos langues...maternelles, dans un melting pot tout à fait réjouissant. Elle parle très bien français et la soirée est super gaie et cosmopolite. 
Le lendemain, nous sommes attendus à 14h à la concession BMW Motors International de Montréal

Nous faisons la connaissance de Chantal que nous n’avions eue qu’au téléphone, elle est chargée de communication à la concession. Motarde passionnée, elle a participé au rallye des Gazelles en 2008, et prépare avec son chum, Jean, un voyage vers Ushuaia l’année prochaine.

Quelques photos pour le magazine « Sports Motorisés » de François Comminardi et le départ officiel de Trans’am2011 est donné. Le compteur affiche 19 940 kms.

Nous sommes le 4 mai 2011, the trip can began et y mouille à sieaux !


MAIS OÙ EST PASSE LE PRINTEMPS ?

Première étape, assez courte, il faut se mettre dans le bain... et comme il pleut des seaux, on y est très vite dans le bain.
Sortir de Montréal, vers 16h, au moment de la débauche, c'est rouler à 2 km/h, coincés entre les 4X4 surdimensionnés et les trucks de trente mètres de long.
Et INTERDICTION de remonter les files, François a bien insisté là-dessus ! Ca ne se fait pas du tout. Je lui pince les bourrelets…de son blouson pour lui rappeler les règles canadiennes. Rien n’y fait. Je ferme les yeux, « c'est bon ça passe ! ».
Il pleut, il fait 5°, je n’ai pas mis mes gants d'hiver ni mon tour de cou en polaire, ça caiiiiillle ! Je lutte bravement contre les éléments en rentrant la tête dans les épaules pour éviter les entrées d’air glacial et je m’assoie sur mes mains. Ça a du bon d’être passagère !
Deux heures de routes défoncées plus tard, eh oui, c'est le dégel, il y des nids d'éléphants partout, nous arrivons à Kingsey Falls chez France et Marc.
Une ardoise qui nous souhaite la bienvenue trône dans la cuisine.

Ah !  Marc et France, une magnifique rencontre après deux ans d'échange de mails.
J’avais découvert leur site internet et passé la soirée à lire le savoureux récit de leurs aventures off road en « quatre roues » comme ils disent. Ils ont vécu en autonomie totale avec leurs quads, en empruntant uniquement des chemins pendant dix mois à travers le Canada, les États Unis et le Mexique. Les astuces de Marc, son côté Mac Gyver, l'humour de France, l'adoption au Mexique de la jeune chienne Minnie, et les photos magnifiques de leurs bivouacs « into the wild » nous avaient conquis. Laurent et Marc avaient entretenu des relations épistolaires durant les deux années de préparation du voyage. Ils attendaient avec impatience de nous rencontrer pour de vrai. L’accueil est si chaleureusement, que ça fait chaud dans le cœur.
France a cuisiné des plats typiques, un ragoût de pattes de cochon, un vrai régal ! Et en dessert, un gâteau, merveille noyée dans un litre de sirop d’érable, appelé, pouding de chômeur encore plus savoureux avec l'accent canadien : « poudzing d'chomeurrr ».
En riant, France nous raconte que le soir même de leur retour du trip en quad, leurs bagages épars au milieu du salon, ils avaient failli repartir. Sacré virus que le voyage au long cours ! 
Ils se préparent déjà pour 2013 en vue de leur future escapade. Le compte à rebours commencé pour eux. Bien à l’abri dans son garage pendant les longues soirées de l’hiver canadien, Marc modifie et aménage un Defender pick-up de 1984. Il a fabriqué un toit télescopique, pour le transformer peu à peu en camping-car. Ce sont des passionnés, ils cherchent sans cesse à améliorer leur véhicule ce qui leur permettra de vivre en autonomie totale dans la nature.
La soirée passe gaiement. Nous avions l’intention de camper dans leur jardin, mais vu les intempéries, ils nous proposent le confort du motorisé, leur camping-car garé à côté de la maison. Génial, en plus il y a du chauffage.
Le lendemain la pluie a décidé de nous pourrir la journée, du coup on reste au chaud à la maison pendant que Marc et France partent travailler. Ah ben ce n’est pas joli joli, deux motards frileux !
Les journaux publient des reportages dignes des pires scénarii catastrophes. Maisons emportées par les eaux, villes noyées dans la province où nous sommes et à travers tout le Canada.

En fin de journée, nous visitons tous ensemble l'usine Cascade qui emploie tous les habitants de Kingsay Falls. Cette usine recycle du papier. Nous déambulons en blouses blanches et bouchons jaune vissés dans les oreilles au milieu des milliers de rouleaux de papier hygiénique en slalomant entre les gigantesques lignes de productions.
Plus tard dans la soirée, Marc et France s’arrêtent devant une cabane à sucre car à

Kingsey Falls nous sommes au cœur de la région d'origine du sirop d'érable.
Le propriétaire et producteur accepte gentiment de nous expliquer tout le processus de fabrication, de la récolte de l'eau d'érable par entaille dans le tronc récupérée par tout un réseau de tuyaux souples qui arrivent dans le cabanon. La bouilleuse, permet l'évaporation de l'eau et la concentration en sucre, jusqu'au sirop et tous les dérivés, la tire, le beurre d'érable, le sucre mou, qui sont obtenus à divers niveaux de température et d'évaporation. 
Il faut environ 40 litres d'eau d'érable pour obtenir un litre de sirop. La récolte se fait entre mars et mai car il est nécessaire d’avoir des écarts de températures importants entre le jour et la nuit pour que l'arbre pleure.
Nous finissons la soirée dans une sorte de petite cantine où l’on sert un plat incontournable, la poutine. C’est une barquette de frites recouvertes de sauce barbecue, agrémentée de fromage « en grain » ou en « crottes », qui couine sous les dents, ça c'est la base, après on peut la customiser avec du poulet ou des saucisses....  Si c'est pas de la gastronomie ça !

Deuxième nuit dans le motorisé.... je commence à prendre goût au confort ! Emmène moi vite mon bébé, sinon je vais finir dans un char !
Nous quittons nos hôtes à l’aube du troisième jour en espérant que nos chemins se croisent de nouveau. Mais avant de prendre la route nous passons à l’usine Cascade sur la balance à camions. La moto, les bagages et nous, affichons 460 kg. Aie, le carnet technique préconise 420 kg maxi…Serions nous partis avec du superflu ? On verra bien.
Allez, allez, il faut y aller, sinon nous ne serons jamais à Miami fin juillet pour les vacances avec les enfants !
Cap sur Québec, le temps est toujours pluvieux, mais nous permet de visiter les vieux quartiers.
Maisons anciennes, murs de pierres épais, toits couleur brique ou ocre et ce fameux vert de gris. Nous posons fièrement devant le Château Frontenac reconverti en hôtel de luxe.

Ce soir, nous sommes hébergés chez Benoît, que nous ne connaissons pas. C’est le principe du couchsurfing. Une communauté de gens à travers le monde qui propose aux voyageurs, gratuitement, l’hébergement, l’accueil, une aide si nécessaire, ou juste une rencontre autour d’un verre, dans une optique d’échange culturel et amical avec des gens de tous horizons.
Laurent est inscrit sur ce site, et envoie des demandes d’hébergement aux couchsurfers de nos différentes étapes. C’est ainsi que Benoit nous reçoit en même temps qu'un autre couple de français. Nous allons tous ensemble faire les courses pour diner. L’hébergement est gratuit, mais il est normal de participer aux frais de nourriture.
La soirée passe tranquillement en récit de voyage. Benoit sillonne le globe, en utilisant en priorité les transports en commun. Il aime les rencontres et reçoit beaucoup d’étrangers chez lui. Il en avoue plus de trois cents en un an ! L’ambiance est détendue et chaleureuse.
Au matin, nous prenons congé de notre hôte vers 9 h. Le ciel est bas et il pleut. Mais où est donc passé le printemps ?
Il faut pourtant avancer. Et c’est sous un déluge que nous nous arrêtons aux chutes de Montmorency.

370 marches glissantes qui prennent d’assaut une falaise abrupte pour offrir un point de vue brumeux sur ces fameuses cascades. Ce doit être plus intéressant de les voir en hiver car elles sont prisent par les glaces.
De l’eau et encore de l’eau ! Grrrr

Nous longeons la rive gauche du St Laurent, plein nord. La saison d'hiver vient juste de se terminer, la province est encore endormie.

Le temps s’améliore sensiblement, en arrivant à Tadoussac, fameux point d’observation des baleines. Mais les verrons-nous ?

Il vaut mieux renoncer à la balade en bateau à $75, car il est encore un peu tôt dans la saison, et nous ne sommes pas sûr d'en voir la queue d'une. Dommage !
L'auberge de Jeunesse de Tadoussac est un lieu très sympa et convivial. C'est une immense maison typique en bois peinte en blanc avec un toit rouge. Elle est réputée et figure dans tous les guides touristiques.

Il ne reste qu’une chambrée libre, de six couchages, deux grands lits et deux petits. Bon super, j'espère juste que nos éventuels colocataires ne sentiront pas trop des pieds !
La pièce principale est accueillante on s'y installe dans de profonds canapés pour lire, discuter avec des jeunes et moins jeunes qui viennent d'horizons différents. Quelqu'un joue du piano, d’autres aux cartes en attendant de souper.

Car ici au Québec, le soir les gens soupent, le midi ils dînent et le matin ils déjeunent. C’est comme ça !
A l'heure du souper, donc, nous faisons la connaissance d’Hélène et Robert, ainsi que deux petites nanas qui font leurs études au Québec. Et à la fin du repas nous lavons notre vaisselle ensemble, comme à la maison. 
Nous avons bien sympathisé avec Hélène et Robert. Hélène est adorable, pétillante et drôle. Elle raconte avec humour et un savoureux accent canadien, ses voyages autour du monde. Je la devine blonde, même si elle porte un foulard noué sur la tête, ou plus exactement sur son crâne, même si ses cils et sourcils ont disparu. Son visage est émacié, son regard bleu est bouillant de vie et elle dégage une telle énergie. Je me revois quelques années en arrière…Non je ne lui poserai pas de questions. Robert, lui est musicien. Nous finissons la soirée ensemble au bar. Ambiance folk, grâce à un guitariste qui tente de capter l'attention d'un public passablement bruyant et dissipé. Le pôôvre !
Tard dans la soirée, nous regagnons notre chambrée, finalement nous serons les seuls occupants, tant mieux !
C'est sous le soleil et le regard amusé d’Hélène et Robert que le lendemain nous prenons la route dans la région du fjord de Saguenay. Nous passons sur d’étranges  ponts couverts d’un toit de bois qui enjambent les rivières, ils sont typiques de la Nouvelle Angleterre. On fait nos courses pour le pique-nique du midi au  « dépanneur », l’épicerie canadienne qui anime le centre de tous les jolis villages que nous  traversons. Et par curiosité, nous nous arrêtons dans un autre magasin incontournable qu’est le « Canadian Tire », un mix de Casa, Castorama et Décathlon, où l’on trouve tout le nécessaire pour la déco de la maison, le bricolage, le camping, la pêche et la chasse, grandes passions des canadiens.

Ce matin, nous avons reçu un mail d’un internaute canadien qui a connu notre site Transam’2011 grâce à l’article de François Comminardi paru dans son magazine moto. Il nous propose de nous rencontrer à Chicoutimi, célèbre pour sa Petite Maison Blanche en bois, construite sur un rocher, miraculeusement épargnée par les violentes inondations. Laurent lui a répondu mais visiblement il n’a pas eu notre message, car nous l’attendons en vain dans la jolie bourgade.
La prochaine soirée est prévue chez Sylvain. Notre seconde expérience de couchsurfing et pour lui sa première fois.
Une piste défoncée et boueuse mène au bord du Lac de la Croix. Le chalet isolé de Sylvain est construit sur pilotis à flanc de colline au milieu des sapins. Un petit paradis qui est en vente car il part s’installer en Louisiane. L’immense terrasse en bois fait face au lac encore gelé en ce début de printemps timide. Il n’est pas calé ! Expression qui signifie que l’épaisse couche de glace, vestige hivernal, recouvre complètement le lac. Quand il « cale », ce phénomène prend quelques heures et c’est un vrai spectacle que de voir la plaque gelée sombrer dans les eaux calmes et noires. Même si c’est tentant, comme dit Sylvain, « yé pas question d'aller s'saucer ! » (Traduire, aller se baigner, avec l'accent c'est craquant !).
Il nous embauche pour la corvée bois. Les stères coupés sont stockés tout en haut du terrain. Il faut charger le pick-up ras le haillon. Puis descendre en marche arrière sur le sentier en pente jusqu'à un premier palier, car il est impossible de faire demi-tour en bas. Puis entasser les buches dans la brouette, avant de dévaler le chemin abrupt jusqu'à l'abri bois en visant bien, et balancer la brouette pour la vider... Ça c'est l'fun (expression québécoise que j'adore !). Je regarde les garçons faire, c’est un poil sportif, mais le paradis ça se mérite. Ajouter à ça que pendant l’hiver, la neige complique sérieusement la vie quotidienne. Je commence à comprendre pourquoi Sylvain vend son chalet au « paradis ».
Les bras endoloris, mais bien réchauffés, nous buvons une bière fraîche sur la terrasse. Le soleil se couche, le lac scintille, nous sommes sous le charme. Sylvain nous pointe du doigt un joli chalet sur la rive juste en face qui est lui aussi en vente. On ne peut y accéder qu’en bateau l’été et en ski-doo l’hiver. Et en ce moment pas du tout, car la couche de glace est trop fragile pour la motoneige et le lac n’est pas encore navigable. Y en a qui n’ont pas une vie facile !
Il nous restait encore à découvrir une petite merveille culinaire, la tarte aux bleuets, les bleuets étant les myrtilles canadiennes. Un délice à se damner dont notre hôte nous régale en dessert, installés devant la cheminée en écoutant les récits de voyages de Sylvain et ses projets de vie en Louisiane.
Après chaque rencontre nous repartons toujours plus riches et j'espère que la réciproque est vraie !
Bye, Sylvain, bonne chance.
Nous longeons le lac St Jean et sommes éblouis par le soleil se reflétant sur ce miroir gelé. La glace translucide découpée comme une dentelle fond lentement sur les berges.
Nous arrivons à Chibougamau, ça faisait rire Marc ! « Mais qu’allez vous faire là haut ? N’y a rien que des épinettes ! ».
Oui ! La route est longue, Oui ! Il n'y a que des sapins noirs mais pour nous autres, c'est très exotique ! Et on adore les routes et les paysages à perte de vue car ça  n’existe pas chez nous.
En attendant que Guillaume, notre couchsurfer du soir termine son travail, nous nous installons en terrasse, dans un bar sympa, « la P'tite Broue » ambiance Rock qui plait bien à mon Lolo, et des patrons motards, souriants, que notre trip émerveille.
Guillaume, et ses deux chats, Mademoiselle Chose et Léo, nous accueillent. L’un de ses copains nous rejoint et ils nous proposent une balade apéritive sur des sentiers encore à moitié enneigés, où le pied glisse et s'enfonce dans une boue noire et froide. La soirée se passe tranquillement, les chats sont sympas, et Guillaume est charmant.

Au matin Léo, un amour de gros matou, nous regarde charger la moto et partir.
Nous prenons la route de Val d'Or et traversons le territoire indien Cris de la Baie James. Nous sommes prudent et faisons le plein à chaque station car elles se raréfient. Un client, indien descend de son pick-up pour venir nous saluer avec un grand sourire. La moto attire toujours la sympathie des gens. Quand on lui dit qu'on va en Alaska puis en Amérique du Sud, il nous serre chaleureusement la main, admiratif. Il nous explique que tous les hommes du village sont partis chasser l'outarde, et l'oie blanche.
On est tout content de ce bref et chaleureux échange et de constater que les relations entre les indiens et les blancs se sont bien détendues. Les panneaux de signalisation, sont écrits en anglais et langue Crie. Bien que nous soyons encore dans la Province de Québec, nous nous exprimons dorénavant en anglais.

Val D'or se situe en Abitibi, c'est une cité minière, qui comme son nom l'indique, roule sur l'or !
Nous sommes en relation avec Gaston et Clémence, par l'intermédiaire de Gilles, un motard savoyard contacté sur le forum BMW. Il a vécu ici il y a quelques années.
Gaston et Clémence nous permettent de planter ou plutôt poser la tente sur la terrasse de leur chalet de bois, qu’ils ont construit eux même.
Ils nous proposent d'aller voir l'ancienne pourvoirie de Gilles, qui vient d'être rachetée et est actuellement en rénovation. Une pourvoirie est un établissement qui fourni nombre de services pour des activités de plein air : hébergement, restauration, location de véhicules, chasse et pêche.

Gaston y a été guide motoneige pendant plusieurs années. Il nous fait rêver avec ses récits de randonnées hivernales en Ski-Doo, à travers les lacs gelés, les sentiers forestiers, et les nuits passées dans sa petite cabane cachée en plein nord canadien.
Nous finissons la soirée au restaurant. J’ai mal à la gorge, comme si j’avais avalé une boite d’épingles. Je laisse Laurent discuter avec Gaston et Clémence et me contente d’opiner du chef de temps à autre. Il faut dire qu’il y a un tel brouhaha que j’ai du mal à suivre la conversation. Mon anglais étant encore assez hésitant, dès que je perds le fil, j’ai un peu de mal à retrouver !

Nous quittons Val d'Or, ses mines d'or, et ses maisons de rondins aux colossales cheminées de galets. Ici la situation économique est proche du plein emploi. Les salaires font rêver, 85 000€/an pour un ouvrier des mines, mais il faut pouvoir supporter les longs mois d’hiver. Beaucoup d’étrangers alléchés par les salaires mirobolants, jettent l’éponge dans les deux ans.

Nous nous dirigeons  plein ouest vers Timmins.

Adieu Québec et Bienvenue en Ontario.

365 kilomètres de lacs bordés d'épinettes qu'on en oublie les limitations de vitesse. Je ne sais pas pourquoi, mais quand la voiture de police nous a croisé, j'ai eu comme un pressentiment... qui s'est confirmé quand Laurent s'est garé gentiment sur le bas-côté. Eh oui, une arrestation, avec les gyrophares et tout et tout. Le policier a du faire un demi-tour au frein à main pour se lancer à notre poursuite. Laurent qui ne regarde pas très souvent dans ses rétros à mis un moment avant de se rendre compte qu’il était suivi. C’est quand le gars a mis la sirène…
Il faut savoir que les voitures de police sont équipées d'un radar qui prend dans les deux sens. C'est l' fun ! Bon ben on n'moufte pas, on répond gentiment au monsieur qui ressemble à un acteur de ciné, on attend sagement qu'il vérifie les papiers, on écoute poliment les conseils de prudence, rapport au risque de collision avec les orignals…non ce n’est pas une faute de frappe, les canadiens disent « orignals » et pas orignaux. Et on repart.... doucement, avec une petite amende de $130, qu'il faudra payer en cash à Timmins.
Je le savais bien qu'on roulait trop vite !
Et là, ce qui devait être une soirée de m..... avec une petite soupe à la grimace va se transformer petit à petit en une fin de journée qui restera un magnifique souvenir.
On arrive donc à Timmins avec l'intention de trouver un camping. 
Laurent avise un motard en Goldwing, qui lui fait signe de le suivre. Nous nous garons sur le parking d'un supermarché à côté de plusieurs autres motards. C'est leur lieu de rendez-vous. Immédiatement, ils nous disent que les campings sont fermés, la saison n'est pas commencée. Bon, ben ce n’est pas cool ça ! Nous discutons cinq minutes, et une femme rousse en souriant, nous dit en français avec l'accent canadien : « le seul camping ouvert, c'est ma pelouse ! » Elle éclate de rire.
_«  Venez, vous allez dormir chez nous, je m'appelle Pat et voici mon mari Jerry,  nice to meet you ».
Pat enfourche son bicycle, comme elle dit, une Yamaha 1300 Wild Star, et Jerry sa Pan Européan, nous les suivons.

Vingt-cinq kilomètres plus loin en pleine campagne, nous garons les motos dans la maison.... ah non… C’est le garage ! 

C'est quand même un truc que je ne crois pas possible en France. Rencontrer des inconnus sur un parking de supermarché et dormir chez eux le soir même. On espère bien pouvoir un jour rendre un peu de ce que l'on a reçu ! Ils nous reçoivent comme des amis de toujours et nous proposent finalement de nous installer dans la chambre d’amis plutôt que de planter la tente. Quelle  hospitalité ! La nouvelle de notre présence chez eux se propage à toute allure. Dan et sa Kawasaki KLR, James et David en KTM, Linda, sa fille Vanessa et son chum Luc arrivent en motos.
Une ambiance de folie, une soirée de potes, les questions fusent, passions communes, les motos, les voyages, en anglais, en français, en franglais... Géniiiiaaaal ! Et bien sur nous parlons de notre petite affaire avec la maréchaussée locale ! Et là, à côté de moi, Dan sort sa plaque, une vraie plaque de vrai policier. Il dégaine son téléphone portable et piouff, plus de prune ! Un grand merci à toi Dan.
BIENVENUE EN ONTARIO !
Pour le souper, ils mettent les petits plats dans les grands. David prend des photos qu’il met en ligne sur leur forum local pour saluer l'hospitalité de leurs amis Pat et Jerry. Le rire de Pat ensoleille les discussions et sa façon de raconter ses virées en « bicycle » avec ses copines, me font craquer. Moi aussi je veux faire des balades avec vous les filles ! 
Nous les quittons au matin, avec l'espoir qu'ils viendront eux aussi se perdre un jour en Indre et Loire.
On s’arrête sur la transcanadienne dans la petite ville de White River, intrigués par des gens qui prennent en photo une statue géante de Winnie l’Ourson, ou plutôt Winnie The Pooh. Pour la petite histoire, un trappeur ramena un bébé ours à White River après avoir tué sa mère. Il était commun à cette époque d'avoir des oursons en ville. Lors de la première guerre mondiale un convoi ferroviaire de soldat fit étape dans la ville et l’un d’eux acheta l'ourson, le ramena chez lui a Winnipeg d'où il lui donna son nom. Il se rendît plus tard en Europe et mit Winnie en pension au London zoo ou il termina ses jours.
Tous les soirs ne se ressemblent pas. Pour nous rappeler que la route n'est pas juste une succession de jolies rencontres et de paysages magnifiques, nous devons planter la tente dans un camping très spartiate, les douches sont dans une cabane sale et glaciale, les toilettes nauséabondes. Il fait très froid et humide. Il y a encore de la neige dans les creux. On allume un grand feu pour se réchauffer. Mais finalement nous échouons dans la loge du gardien qui sert à la fois d'épicerie, de bar, de boutique à radouilles et qui en prime sent la frite, mais au moins on est au sec, et il y a du wifi. On squatte jusqu’à la fermeture, après avoir soupé rapidement. Le propriétaire nous met dehors et on se glisse dans la tente humide et glacée.
Bien emmitouflés dans les duvets, la nuit passe au rythme d'un vent fou qui hurle dans les sapins et fait claquer la toile de tente.

Au matin, il faut la replier sous la pluie. Tout ce qu’on déteste. Les violentes bourrasques nous rendent la tache difficile, il fait super froid, les doigts sont gourds et on a mal dormi.
Une fois tout le matériel chargé sur la moto, Laurent lance les chevaux sur la route qui mène à Thunder Bay en longeant le Lac Supérieur. On a l’impression de réviser des cours de géo !
Ici, de magnifiques fresques peintes sur les murs borgnes d’une station service, là, des peaux d’ours tendues sur des bâtis en bois sèchent, rien ne ressemble à ce que l’on voit chez nous au bord des routes.

ONTARIO MANITOBA, ou comment se faire des PNEUS CARRES

Des forêts de sapins verts, à l'infini, des milliers de lacs couleur saphir, habités par des familles de castors, un ciel qui vire peu à peu du plomb à l'azur, des étendues d'épinettes fantômes, spectres gris et torturés qui se dressent le longs des étangs, voilà en une phrase, résumé le paysage qui nous entoure pendant la traversée de l'Ontario.

Hélène et Robert rencontrés à Tadoussac nous avait prévenus, c'est « loooongtario » ! La route est interminable, Laurent passe le temps en lisant les panneaux d'adoption des routes. Au canada comme aux USA il est possible d'adopter une route, et donc d'avoir son panneau à son nom, ou dédié à un proche disparu. C’est un engagement moral et citoyen pour des gens ou des communautés qui entretiendront et nettoieront une portion d’asphalte de plusieurs kilomètres. Nous arrivons à Thunder Bay et on s’installe dans un hostel, le Sleeping Giant. Mon anglais est encore un peu timide, et je parle mieux « chat »,  ce qui fait que j’ai la cote avec la bestiole qui vit là, un gros matou noir, collant comme une tartine au sirop d’érable. La déco est très éclectique, vieux canapé qui grince, une tapisserie mexicaine côtoie un poster indien et des infos touristiques punaisées sur le mur. C’est un peu surprenant au début les hostel, on se sent comme à la maison, sauf qu'il y a des gens que tu ne connais pas installés dans le salon ou en train de boire et de manger dans la cuisine !
Le matin suivant, départ à la fraîche, on doit être à Winnipeg dans le Manitoba en fin de journée. Une des rares curiosités du coin sont les chutes de Kakabeka (les Niagara du Nord) à la sortie de la ville. On aime bien les cascades !

Le paysage change peu à peu, les forêts sont plus espacées, et nous entrons au Manitoba.

Les grandes plaines céréalières du Canada sans aucun relief, s'étalent aussi loin que porte le regard. « T'es prêt mon amour ? Ça va être long... » Je ne me croyais pas capable de m'endormir en moto, ben en fait ça se passe très bien. Je suis installée sur mon trône, callée par les bagages, assise au chaud sur ma peau de bête, bercée par le ronron du moteur. Je pose mon casque sur le dos de mon pilote et paf je m’endors... le grand air, ça fatigue !
Mais bon, je n’ai pas l'esprit tranquille, quand même, j'ai peur de me réveiller en sursaut et de tomber, Laurent me jure que ce n'est pas possible.
Une fois réveillée, j'occupe le temps. Je regarde à droite pendant une demi-heure heure et puis je change de côté quand je sens venir le torticolis. J’expérimente la prise de photo à la volée, et les différentes fonctions de l’appareil afin d’éviter au maximum le flou. Mais prendre des photos avec des gants de moto, c’est comme vouloir téléphoner avec des gants de boxe, on manque de précision ! Donc Je mitraille, les camions qui nous croisent, ceux qu'on double, et même ceux qui nous suivent… en me faisant dans ma tête le remake du film « Duel ». Ça me fascine ces énormes trucks. Ce sont les rois de la route. Ils foncent nuit et jour à travers le pays, transportant des milliers de tonnes de matériels, de céréales, de liquides divers, dans un boucan d'enfer.

Nous faisons halte pour la nuit à  Falcon Lake dans un camping quasi désert, réouvert le matin même. Ce n’est pas du goût des petits rongeurs et des chevreuils qui avaient pour un temps envahis les sous bois.

En montant la tente, on s'aperçoit que l'on a oublié, lors de notre précédent bivouac, l'arceau qui maintient l’auvent. Dans notre empressement à tout faire vite sous la pluie, on a laissé une partie du matériel dans l’herbe ! Gasp, fichtre, pas glop, pas glop !!! Pour ne pas dire p..... de m....; Y a plus qu’à racheter ....La tente pique un peu du nez, mais reste utilisable. Depuis deux semaines que nous sommes partis, nous trouvons notre rythme pour monter et démonter la tente rapidement. Nous nous sommes habitués à ranger les affaires toujours de la même manière afin d’être le plus efficace possible et ne pas perdre deux heures tous les matins, surtout quand il pleut. J’ai mon côté, Laurent à le sien. Chacun a une valise alu et un sac souple dans lesquels sont calés, duvet, matelas gonflable ultra compact, sac de vêtements étanche et compressible, une paire de basket, et trousse de toilette. Dans le top-case se trouvent le réchaud et les gamelles, des outils, et la trousse à pharmacie. La tente une fois pliée est attachée sur le top-case. On a essayé de répartir le poids pour équilibrer au mieux la moto. Mais pour le moment on a encore l’impression d’être en vacances. Nous ne sommes pas encore rentrés dans l’esprit du voyage au long court.
La traversée du Manitoba continue sous un soleil radieux, comme nous !
Les plaines céréalières sont inondées. On pensait que c'était des lacs, pas du tout, ce sont les restes des très importantes inondations dont on a entendu parler lorsque nous étions au Québec. Les fermes isolées sont cernées par les champs transformés en marécages, les cabanes en bois penchent dangereusement et menacent de s’effondrer.

L'été passé, les pluies avaient été importantes, cet hiver la neige est tombée en abondance et après la fonte, des tempêtes de neige tardives ont empêché les propriétaires de labourer et semer. Il se peut même qu'il n'y ait aucune récolte cette année.... M'est avis qu'il va y avoir des ruptures de stock de pop-corn dans les supermarkets !
Nous nous arrêtons à Inglis, pour prendre en photo les vieux élévateurs à grains restaurés, repeints et mis en scène, datant de 1920 les derniers au Canada, vestiges d'une époque révolue.
En fin d’après midi, nous arrivons à Russell, très paisible bourgade à la frontière du Saskatchewan, typique du Midwest canadien. Bernhart, Shannon, leurs cinq enfants, leur chien, et la KTM 950 nous accueillent dans leur immense maison, pour une soirée familiale. Ils ont répondu très gentiment à notre demande d’hébergement via le site d’Horizon Unlimited. C’est un peu le même principe que le couchsurfing mais c’est uniquement dédié aux motards voyageurs du monde entier. Et Bernhart, grand gaillard d'origine Autrichienne, fait partie de la communauté d'Horizon.  Épris de grands espaces, qu’il parcoure en off road, il nous raconte son dernier trip avec des copains sur la Dempster Highway, six cents kilomètres de piste qui montent encore plus haut que le cercle polaire, dans les Northwest Territories jusqu'à Inuvik. Je vois les yeux de Laurent qui brillent d’envie en regardant les magnifiques photos de son album souvenir.
Nous entrons dans la province du Saskatchewan, et c’est le même paysage désolé, champs inondés à perte de vue, qui font la joie des canards et des oies sauvages.

Moi qui adore les belles voitures, je suis aux anges. Depuis le début j’écarquille les yeux comme un enfant devant une vitrine de bonbons. Je me vois très bien vivre ici, l'été au volant d'un magnifique pick-up Dodge ou Chevrolet et l'hiver, déguisée en Inuit au guidon de ma motoneige pour aller faire des courses, traversant, lacs gelés et forêts enneigées. En revanche,  « la p'tite maison dans la prairie », ce n'est pas mon truc ! Et pourtant elles sont jolies comme tout, les fermes, leurs granges et leurs silos à grains cachés dans les bosquets au milieu de milliers d'hectares de bonnes terres cultivables ! Certaines sont abandonnées, et par curiosité, nous avons visité l’une d’elle. Entièrement construite en bois, cloisons, planchers, toiture, et même terrasse et balcon. Un coup de vent et zou, il ne reste qu’un gros tas de planches cloutées. Je comprends mieux pourquoi à chaque « hurricane », on nous montre en reportage télé, des villes entières rayées de la carte. Mais elles ont un charme fou, auquel nous sommes sensibles.

Il n’y a pas tellement d’intérêt à prendre les routes secondaires, alors nous empruntons les highways. En réalité, nous sommes sur la Transcanadienne. Comme son nom l’indique elle traverse les dix provinces du Canada en reliant l’océan Atlantique au Pacifique sur 7 821 kms. Des trucks, longs comme des trains qui roulent sans s’arrêter dans un bruit de tonnerre. Quelques stations services abandonnées nous plongent dans une ambiance à la « Mad Max ». C’est souvent notre sentiment, l’impression d’être dans un film. Je crois que beaucoup de français ressentent ça, nourris comme on l’a été au cinéma américain.

Le vent s'est levé sur les prairies du Saskatchewan. Un vent violent et farceur, qui balaye la route en tous sens et mets mes nerfs à rude épreuve.
Ma fascination pour les trucks, cesse au moment ou ils nous croisent, ils poussent l'air devant eux de toute la puissance de leur centaines de chevaux fous, et quelques secondes après, une déflagration d'air nous prend par surprise et secoue la moto et son pilote qui, lui ne bronche pas, ou si peu, tandis que moi je croise les doigts pour rester dessus.

En arrivant à Saskatoon, c'est carrément la tempête, qui lève des tourbillons de sable. On en croque tout l'après midi.
Première mission, trouver d'urgence un arceau de rechange pour la tente. 
Un p'tit tour dans un magasin d’outdoor à la sauce canadienne et nous voilà sauvé !
Il faut imaginer un entrepôt dix fois grand comme un hypermarché de chez nous, avec des rayons, chasse, pêche, camping, sportswear, sous les regards froids et accusateurs de milliers de têtes d’animaux taxidermisés, du plus petit écureuil, au bison en passant par les elks, un gigantesque cerf canadien jusqu’aux ours blancs noirs ou marron.

Il nous faut maintenant trouver un camping. Pas beaucoup d’herbe par ici, il faudra se contenter d’un emplacement terreux ! Mais c'est bon on y est, et la tente est montée. Il faut maintenant aller faire quelques courses pour diner, préparer le repas, marcher un peu pour se détendre les jambes… 1 500 Kms un peu fatigants sur les routes rectilignes des grandes plaines du Midwest Canadien.