Sous le charme de la COLOMBIE

Cap’tain Michel, nous donne rendez-vous lundi midi pour nous remettre les passeports tamponnés et les documents nécessaires à l’importation provisoire de la moto. La nuit tombe vite. On s’éloigne du Centro Historico, car une semaine de fête et de commémoration se prépare et tous les accès routiers sont bouclés par la police. En réalité, on préfère se trouver un hôtel qui n’est pas dans les guides. Mais ce soir, on galère un peu. Plus la nuit tombe, moins les faubourgs de Cartagena m’inspirent confiance. On se rabat sur un, beaucoup trop cher, mais pour ce soir ça ira. On s’endort comme des bébés, nos dernières nuits sur le bateau avaient été un peu courtes et chahutées.
Au matin, sous un soleil déjà très chaud, nous nous mêlons à la cohorte de motos-taxis qui se faufilent entre les voitures dans les rues congestionnées. Une voie gratuite leur est spécialement réservée aux stations de péage. Premier repérage en ville pour localiser le magasin Sony, car il va falloir s’occuper sérieusement de cette histoire. Nous nous rendons ensuite au Sofitel Santa Clara, nous présenter car nous passerons la dernière nuit à Cartagena, dans ce somptueux palace. Une nuit nous y est offerte par le groupe ACCOR, l’employeur de Laurent. Quelques petits travaux de rénovation sont en cours pour que ce palace rejoigne le cercle très fermé des plus beaux hôtels du monde.
Nous rencontrons le directeur, qui nous fait les honneurs de son établissement, comme si nous étions des VIP. Nous sommes la petite note anachronique dans le décor raffiné.  Je lis dans ses pensées, «  mais qui sont-ils ces deux là, pour que le groupe leur offre une gratuité ?».
En attendant, on change d’hôtel. Le nouveau ne paie pas de mine, mais il est moins cher, il y a une cuisine, et un garage pour la moto. La lessive, les courses, la popote et internet, nous occupent le restant de la journée.
Sans le savoir, nous étions en toute illégalité sur le territoire colombien... La moto aurait du rester à bord jusqu'à la réouverture des bureaux de douanes.
On le saura pour la prochaine fois !
Mardi matin, 8 h, nous déposons les documents à une employée pas trop zélée. Elle papote avec ses copines, prend son café et n’a pas l’air pressée de traiter notre dossier. Deux heures passent. Et soudain six motos arrivent. Super ! Ce sont nos amis les Jess’s. Ils ont voyagé  sur le catamaran « Fritz the cat » avec Tim et Adrian les australiens rencontrés au Nicaragua, ainsi qu’un couple de motards hollandais, Anna et Rogier. Du coup la préposée met notre dossier en attente pour traiter toutes les motos en même temps. Et ce n’est qu’à midi, nos précieux sésames en poche, quand nous nous apprêtons à partir que soudain, nous voyons arriver à pied, Fabrice et Philippe, le couple de savoyards rencontré à Tikal au Guatemala. Les pauvres, ils ont le moral dans les chaussettes, leur caravane est bloquée en douane depuis trois semaines. Nous qui les imaginions loin devant !
On leur propose de descendre dans notre hôtel et passer la soirée ensemble, car ils doivent normalement récupérer leurs véhicules le lendemain et partir aussitôt. Nous retournons en ville pour tenter un échange d’appareil photo, dans la boutique Sony repérée la veille. Malheureusement, la vendeuse ne peut rien faire pour nous et surtout, notre histoire est tellement compliquée et notre espagnol encore assez basique qu’il est bien difficile de se faire comprendre. Un officier de marine, qui par chance parle anglais, présent pendant la conversation et très soucieux de nous rendre service, prend les choses en main. Il appelle la maison mère en Colombie, explique toute l’histoire et nous obtient même un rendez-vous à Medellin. Un grand merci à vous monsieur. Y a plus qu’à croiser les doigts ! Il faut aussi se trouver une assurance. Et là ce n’est pas gagné. Ce n’est qu’en fin d’après midi, que nous dénichons une compagnie qui accepte de nous assurer. De retour à l’hôtel, nous retrouvons nos amis savoyards et je cuisine une petite ratatouille comme à la maison. Il fait une chaleur moite, brassée par les ventilateurs qui font un boucan d’enfer. Un bel orage tropical éclate en fin de soirée. De la fenêtre de l’hôtel, nous regardons l’avenue se transformer en torrent, et comme il n’y a pas d’égout, le niveau d’eau monte en quelques minutes. Très vite, on ne voit plus les trottoirs, les gens dans la rue retirent leurs chaussures, ils ont de l’eau jusqu’aux mollets. Je suis bien contente d’être restée à la maison !
Les garçons nous quittent au matin, cette fois, on a leur adresse mail, nous pourrons ainsi communiquer et peut être se revoir plus loin d’ici Ushuaia.
Je les regarde partir. J’adore leur petit côté « Pékin Express »,  sac sur le dos, casquette vissées sur la tête, en train de héler un taxi en plein milieu du boulevard. Ils vont me manquer tous les deux. Bonne route les garçons.
Nos copains motards se sont trouvé un charmant hostal dans le quartier populaire très animé de Getsemani, tout près du centre historique.

Nous les retrouvons pour un pantagruélique petit déjeuner, dans un bar branché, avant de profiter de la fraicheur du patio transformé en garage. Tous s’affairent, réglages, vidange, nettoyage ou réparation des montures, Moi, je joue avec une famille de chatons qui squattent un vieux tiroir dans la cour.

Le temps coule doucement, à Cartagena de Indias, somptueuse ville coloniale classée UNESCO. Pourtant, il règne une grande effervescence. Partout flottent drapeaux, fanions, banderoles multicolores. La fête de l’Independencia  est en plein préparatifs. Les rues sont propres, de jolies treilles fleuries s’accrochent aux façades pimpantes des maisons et de belles fresques murales décorent certains murs.

Fondée en 1533 par le conquistador Pedro de Heredia, elle a été le bastion principal du royaume d'Espagne en Amérique du Sud pendant 400 ans. 
Centre de traite des esclaves, transit vers l‘Espagne de l'or issu des pillages des temples Aztèques et Incas, elle était très convoitée et fut très souvent attaquée par les pirates français et anglais dont le célèbre Francis Drake.
Le Fort de San Felipe de Bajaras, et les remparts de douze kilomètres ceinturent et protègent le cœur de la vieille ville. Grimpé sur les créneaux, Laurent observe le port et tente d’apercevoir notre bateau... envie de reprendre la mer ?!

Aujourd'hui, le tourisme explose avec deux millions de visiteurs l'année dernière. 
Les stars comme Shakira, Donald Trump, s'y retrouvent pour des vacances très jet set. Toutes les grandes marques de luxe y ont ouvert une boutique.
Les marchands de souvenirs, sacs en coton tissés, draperies, chapeaux de paille traditionnels, occupent les places et les trottoirs. D’autres, arpentent inlassablement les ruelles en poussant des chariots de bois chargés de fruits et légumes. On y trouve les fameuses « platanas », grosses bananes vertes ou jaunes, qui se mangent poêlées, ou frites, elles ont une saveur douceâtre et la consistance de la pomme de terre. Mais aussi des mangues juteuses et délicieuses que le vendeur épluche devant nous.

En flânant dans les ruelles ombragées on profite d'une relative fraîcheur en admirant le style colonial des maisons.

Sur les places, terrasses de bar et parasols accueillent les promeneurs et les statues de bronze toutes en rondeurs de Botero. La cathédrale, sur la plaza Bolivar, est l’emblème de la conversion des indiens au catholicisme, motivation officielle des conquistadores.

Nous sommes en novembre c’est également la période d'élection de Miss Colombie. Les prétendantes au titre sont toutes plus jolies les unes que les autres.

Ce pays tient d'ailleurs le record de Miss Monde et Univers, et effectivement on a  croisé quelques très belles plantes ! Notre joyeuse équipe se retrouve pour un dernier dîner. Les Jess’s repartent demain matin, mais nous nous reverrons plus tard, car en comparant nos plans de route,  il s’avère que nous serons au même moment à Medellin.

Depuis le temps qu'on en rêvait de notre nuit au Sofitel Santa Clara de Cartagena ! 
Laurent pour plaisanter, se gare devant l’entrée principale et tend les clés de la moto au voiturier perplexe. L’hôtel est un ancien cloitre rénové, sur deux niveaux de coursives, ouvert sur une cour intérieure. Une fontaine jaillit et rafraichit un joli jardin tropical. Les faïences anciennes, les meubles d’époque et la décoration raffinée, se marient subtilement avec les voutes, les colonnes de pierres sculptées et les lourdes portes en bois ouvragé, 

Mattéo, un toucan, règne en maître sur le domaine. Cet oiseau est une véritable palette de peintre. Le plus frappant, c’est son énorme bec vert, taché de carmin, de turquoise, de brun et d’oranger. Une grande bavette jaune vif sur son poitrail contraste  avec son costume de plumes noires si serrées qu’on pourrait croire qu’il est en velours. La base de sa longue queue est rouge et blanche, son œil rond est maquillé du même bleu turquoise que ses pattes. Il se promène partout en sautillant et d’un bond élégant passe d’une table basse à l’autre. Il prend fièrement la pose pour les photos. Un peu caractériel, il pince le bout des chaussures de l’employé qui le dérange en balayant les abords de la piscine.

Autour de nous, la clientèle aisée prend le thé au frais dans le patio, sirote un cocktail dans les transats bien alignés au bord de la piscine. Il va me falloir de l’imagination pour être raccord dans le décor !

En voyage au long cours, les hôtels se succèdent mais ne se ressemblent pas toujours. La plupart du temps, la tenue la plus appropriée est celle que je porte sur moi. Comme on ne dort qu'une ou deux nuit, si je veux, je peux me changer quatre ou cinq fois pour faire « style » j'ai une garde-robe inépuisable ! Bon je ne le fais pas, vu que ce n'est pas toujours évident de faire une lessive, et que franchement tout le monde s’en moque ! Ca passe pour 99% des hôtels, hôstals, hospedaje et même campings dans lesquels nous séjournons. 
J'avoue que je voyais arriver le Sofitel Santa Clara de Cartagena, avec une pointe d'inquiétude !
« Qu'est ce que je vais bien pouvoir me mettre ??? ».
Je n'ai rien de chic... c'est un 5 étoiles quand même, je ne peux pas me balader en pantalon Quechua poché aux genoux et tee shirt déformé par les dizaines de lavages/ séchages en machines industrielles... 
Et puis, je me suis souvenu... Les dimanches après midi, passés dans le grenier de notre grand-mère avec ma sœur et ma cousine. J’avais 8 ans. On jouait à se déguiser en princesses, avec quelques morceaux de tissus, et de vieux vêtements. On y croyait tellement, que nous devions vraiment ressembler à des princesses.
J'ai donc appliqué ce principe, j'ai sorti de mon sac étanche tout mon paquetage roulé en boule, et j'ai superposé les couches...Un caleçon noir, un tee shirt bleu ciel qui va se marier avec mes jolies tongs, par dessus la robe tunique kaki, qui se porte fripée, ça tombe bien, et mon foulard noué sur les hanches...bon d'accord, c'est plus près d'Etam que de Marithé et François Girbaud, mais avec un grand sourire et l'air sûr de soi, ça peut faire illusion...pour un soir.  
Laurent lui, ne se pose pas ce genre de question, décontracté, il ira même prendre son petit déjeuner le lendemain avec les chaussons blanc en éponge fournis avec les peignoirs.

Notre chambre, est une suite en duplex ! Comme on a déjà arpenté la ville en long en large et en travers, nous profitons de chaque instant de cette parenthèse dorée. Peignoirs en éponge, home cinéma, gel douche de marque, petits fours, et linge de lit parfumé.
Mais après huit jours sans rouler, ça commence à nous démanger. Nous sommes pressés de reprendre la route, tout excités à l’idée de découvrir les trésors Colombiens. Tous nos copains sont repartis, on connait la ville par cœur et c’est sans regret que nous chargeons la moto.
Vouloir sortir de Cartagena à 11h du matin n’est pas une très bonne idée. Il y a des marchés partout qui empiètent sur la chaussée, et des gens qui traversent dans tous les sens, ce qui provoque des embouteillages monstres. La moto est trop chargée pour se faufiler entre les voitures, les bus bondés et les collectivos qui s’arrêtent n’importe où. Le moteur chauffe, le ventilateur tourne en permanence, il faut couper le contact dès que nous sommes à l’arrêt. Je vois Laurent qui secoue sa main gauche, il a des crampes à force de jouer de l’embrayage. Interminable !

Dure journée de route. Déjà il faut se remettre dans le bain. Si les colombiens sont adorables, chaleureux, serviables, prêts à se dérouter pour vous montrer la bonne direction, dès qu’ils sont au volant, ce sont des tueurs. Surtout les chauffeurs de camions. Ils se doublent dans les virages de montagnes sans aucune visibilité. Il faut presque se jeter dans le fossé pour éviter la collision... gros stress ! Laurent se rend vite compte qu’il ne faut surtout pas se fier aux lignes blanches continues qui ne veulent rien dire, ni au nombre de voies de circulation. Ici, il est tout à fait possible et normal de rouler à trois de front sur deux files.
Les riches et typiques maisons construites au milieu des domaines plantés de caféiers, appelées « fincas » apportent des touches de couleurs vives à ce paysage fantastiquement vert et montagneux. C’est la zona cafetero.

Le contraste est fort avec les bidonvilles du bord des routes.  De fragiles cabanes en bâches plastifiées maintenues par des planches sont construites si près de la route que les gros camions fous les frôlent dangereusement. Je pensais que ce n’étaient que des abris pour des paysans qui travaillaient la terre loin de chez eux, mais quand j’ai vu de tout petits enfants en haillons jouer devant, à moins d’un mètre de la chaussée et  le linge sécher sur un fil, j’ai compris qu’ici aussi, la vie pouvait être très dure.

Les militaires, qui veillent sur le trafic routier en direction de Medellin, ne sont pas mieux lotis. Leurs cabanes à eux, sont faites de sacs de sable moussus avec un toit de tôles. Comme tous les jours en fin d’après midi un orage s’abat sur la campagne. Fatigués, trempés, on est encore loin de Medellin. Mieux vaut s’arrêter, et repartir très tôt le lendemain matin.
La circulation de Medellin est folle. Franchement, je fais de l’huile. Personne ne respecte rien. Il faut être sur le qui vive en permanence. Un gars sympa, sur une mobylette, nous pilote dans la ville jusqu’à l’hôstal Medellin tenu par une femme très accueillante, Claudia. Elle reçoit les voyageurs en moto, et surtout son hôtel est situé tout près de celui de nos amis les Jess’s. Malheureusement elle est au complet mais nous promet de réserver la chambre pour les deux nuits suivantes. On se rabat sur la Casa Kiwi, histoire de finir de se convaincre que les hôtels de backpackers du Lonely Planet, ce n’est pas du tout notre truc. D’ailleurs on y retrouve les deux hongroises mal élevées qui ont voyagé sur le bateau avec nous.
On fini la soirée autour d’une bière avec un motard canadien de Calgary. 
Medellin. Ce nom fait encore froid dans le dos à certains. Mais depuis la mort de Pablo Escobar, en 1993, les choses ont bien changé dans la 2ème  ville du pays. 
Le terrifiant cartel, n'est plus qu'un lointain souvenir…entre deux règlements de compte. Dimanche matin, un ralentissement sur la voie rapide, un homme en blouse et masque blanc prend des mesures et des photos. Il y a un mec, étendu sur la route qui baigne dans une flaque rouge, à côté d’un gros 4X4 aux vitres fumées.
_ « Ah tiens, on tourne un nouvel épisode de NCIS ?!!!».
 Le lendemain dans les journaux,  on peut lire que ce n'était pas du cinéma. Le gars en sang par terre était bien mort. Règlement compte entre narcotrafiquants.

Nous déposons l’appareil photo défectueux, dans la boutique Sony. Et nous devons attendre qu’une décision soit prise. Vont-ils faire un geste commercial et nous le remplacer ou bien le réparer dans un délai de 15 jours à un mois ! On croise les doigts. 
La ville est immense, on se concentre sur le site du Cerro Nuritiba. Village typique reconstitué au sommet d’une colline, de laquelle on embrasse toute la ville.

C'est le moment de s'orienter avec l'aide de la police locale, comme d’habitude bien mal à l'aise avec les cartes et les plans...

Dans la ville, les décorations de Noël sont en place. Avec la chaleur, on a du mal à réaliser que décembre approche... Le temps passe si vite. Nous sommes déjà à la moitié du voyage.
Il est bon de flâner sur la Plaza Botero, qui comme son nom l'indique est entièrement dédiée au maitre. Il a fait don à sa ville natale d'une vingtaine de ses œuvres  en bronze toutes en rondeurs. En voyant certaines colombiennes, bien en chairs et plantureuses, très légèrement et court vêtues, on imagine sans peine d’où lui est venue son inspiration.

A peine garés sur la place, la BMW vole la vedette aux statues rondes. Un père et sa fille en moto, sympas mais un poil directifs et envahissants, nous collent d’office un sticker de leur moto club sur l’une des valises. Le père nous abreuve de conseils en tous genres, me tend son appareil et d’un ton péremptoire m’ordonne  de le prendre en photo avec Laurent, veut qu’on aille là, qu’on fasse ça… Ça part surement d’un bon sentiment mais sa manière de faire est assez désagréable. Bon moi ça me saoule un peu. Un groupe de jeunes militaires s’approche de nous. Tout de suite c’est l’attroupement. Chacun veut se faire prendre en photo sur la moto. On fini par fausser compagnie à nos deux pots de colle et continuer la balade à notre guise.

Tour de centre ville rapide, les rues commerçantes sont bruyantes.

Comme au Guatemala, Il y a des magasins où l'on achète tout pour s’installer en ménage... Le salon, la cuisinière, la machine à laver, la télé et... La motobylette.

Laurent tombe en arrêt devant une affiche de Megadeth qui passe en concert le 29 novembre, malheureusement pour lui et heureusement pour mes tympans nous serons déjà repartis.
C’est amusant de voir plein de vieux modèles Renault en circulation surtout des R12 et des 4L. J’en ai même vu une rouge de 1962… 
_« Oh, on a le même âge toutes les deux ! Mais contrairement à moi, ses pares chocs ne sont pas d'origine ! ».
Nous retrouvons les Jess’s, Anna et Rogier à leur hôtel. Ils sont en pleine discussion avec un autre couple de motards que nous ne connaissons pas. Lui a le bras dans le plâtre, et vient de passer plusieurs semaines à Medellin après un accident de moto provoqué par des chiens. Depuis le Mexique, nous sommes habitués à voir des chiens en liberté partout, en ville et sur le bord des routes. Mais jamais aucun ne nous a agressé. En Colombie, nous devons nous en méfier car ils se lancent à la poursuite des motos, avec l’intention de mordre. Un truc de plus à surveiller sur la route.
Et ce n’est qu’au matin de notre départ de Medellin que  l’affaire Sony qui nous tient en haleine depuis des semaines trouve son épilogue. Après des dizaines de coups de fils, de palabres à n’en plus finir, le parfait sang froid de Laurent et son époustouflante maitrise de la conversation technique en espagnol, après des « oui », des « non », des « peut être », je la fait courte, ils ont enfin accepté de faire l'échange de cet appareil défectueux. Le nouveau nous attendra lundi à Cali.

Quelle était verte ma vallée

Nous prenons la route de Salento. Rien de plus à faire que d'admirer le paysage verdoyant. La rivière est en crue, c'est la saison des pluies. De grosses averses nous ralentissent, du coup, on s'arrête à Santa Rosa de Cabal dans un petit hôtel très tranquille un peu à l’écart du centre.
Miguel le jeune propriétaire a transformé l'ancienne maison familiale en hôtel. Laurent lui dit que lui aussi travaille dans l’hôtellerie. Alors, Miguel nous explique que depuis un an et demi, il attend le client et ne comprend pas pourquoi. Avide de conseils et d'idées, il nous fait visiter son établissement. Le prix est très raisonnable. Les chambres sont assez spacieuses, elles n’ont pas toutes une fenêtre, mais dans les petits hôtels indépendants d’Amérique du Sud c’est très fréquent. Tout est super propre et bien entretenu. Et  il y a une cuisine, un patio et une salle commune. La ville est animée, l'hôtel est à quelques blocs du centre, au calme. Alentours, il y a les fameux Thermes Balneario de Santa Rosa qui attirent les touristes. Il y a un beau potentiel.
Alors, pourquoi n’a-t-il personne ? On lui fait remarquer, que les meubles de familles sont très austères et que du coup l’ambiance n’est pas très chaleureuse. Bon après, tout dépend de la clientèle visée.
_«Tu sais ce qu’il te manque ? Un site Internet. Il faut que ton hôtel soit référencé sur les guides et des supports spécialisés ». 
Le sang du professionnel ne fait qu'un tour. Laurent se lance dans la création du site. Miguel est un garçon adorable et attachant, on a envie de l’aider. Le produit est bon il faut juste le faire connaître!
Dès le réveil il se met au travail, installe l’environnement web et fait les paramétrages nécessaires. Miguel fournit les informations pour alimenter les quelques pages du site. Voyant que la journée sera nécessaire Miguel nous offre une nuit supplémentaire à l’hôtel. Il est un peu inquiet de savoir combien ça va lui coûter, échaudé par une première expérience ruineuse et obsolète.
_« Rien, nada, c'est gratis, ça me fait plaisir ». Le temps d’une pause, on va se détendre aux Thermes.
La route serpente dans une vallée verdoyante.

L'endroit est charmant, et en cette période de l'année, peu fréquenté. Il fait un peu frais, je supporte facilement mon blouson et ma polaire.

Mais la végétation est luxuriante, en témoignent les extraordinaires fougères arborescentes, de plusieurs mètres de haut.

La source d’eau thermale tombe en cascade dans des piscines à 37°. C'est un plaisir de barboter et de papoter avec une famille colombienne de Cali. On sent que les gens sont heureux et fiers de parler de leur pays avec des français venus le visiter.  Ils nous donnent des conseils pour profiter au mieux de notre séjour.

Laurent a beaucoup bossé sur le site de Miguel, qui n’a plus qu’à régler le montant de l’enregistrement du nom de domaine. Le matin de notre départ, sa maman et sa tante sont venues nous saluer.
_« On espère que ça t'aidera à lancer ton business. Adieu et bonne chance à toi Miguelito ».

Nous sommes maintenant à Salento, au cœur de la région du café. Le village est ravissant, construit sur un promontoire rocheux, qui offre une vue imprenable sur la vallée.

Les ruelles sont bordées de maisons blanches très basses, aux portes et boiseries peintes de couleurs vives. On flâne devant les échoppes d'artisanat. La vie est tranquille. Les hommes jouent au billard américain, d’autres discutent assis sur le pas des maisons.

Au milieu de la place principale, sont garées des Jeep Willis utilisées par les propriétaires des plantations pour transporter sacs de café, régimes de bananes, et même quelques touristes désireux de visiter les fincas.

Nous partons un matin dans l’une d’elles. Mais la piste est tellement mauvaise qu’au bout de deux kilomètres je déclare forfait. Laurent me dépose et y va seul. Décidément, je déteste la piste, je ne m’y fait pas du tout et la trouille de tomber m’obnubile. Laurent visite seul la finca qui travaille à l'ancienne et produit un café bio. C'est l'occasion d'en savoir un peu plus sur « le p'tit noir ».
Les caféiers sont plantés à l'ombre des bananiers, les grains verts, de la taille d’une petite noisette, poussent en grappes autour de la tige. Ils murissent et deviennent rouge. Après la récolte, à la main, les fruits passent dans une sorte de moulinette qui fracasse la bogue, et libère les grains. Ils sèchent ensuite étalés sur une dalle de ciment au soleil et protégés de la pluie durant deux à quatre semaines. Vient la torréfaction. Les grains peuvent ensuite être moulus et il ne reste plus qu’à déguster un très bon café, le petit doigt en l'air !

Les bananeraies s’étendent sur des hectares. Les régimes  se développent sous des sacs plastiques bleus qui les protègent ainsi des insectes et de la pluie. J’ai vu pour la première fois les grosses fleurs roses de bananier. L’inflorescence porte à la fois les fleurs mâles et femelles. Les petites bananes se développeront sur les fleurs femelles fécondées, en passant du rose au vert pour finir jaune.

En se promenant sur les hauteurs de la ville, on tombe sur un camp militaire.

On réalise qu’elle est surveillée comme un coffre fort. Les militaires, tout juste sortis de l'adolescence, sont armés jusqu'aux dents mais contents de casser la routine en posant pour une photo souvenir avec un motard du bout du monde.

Salento est aussi la porte d'entrée de la vallée de Cocora. Elle est connue pour ses palmiers cire qui peuvent atteindre 60 à 70 m de hauteur, et ne poussent nulle part ailleurs. La sève servait à fabriquer des bougies, d’où leur nom.

Un temps menacés d'extinction par une exploitation débridée, ils sont aujourd'hui protégés.

On décide de se dérouiller un peu les jambes, et c'est parti pour une randonnée de 14 kms d’environ cinq heures. Nous traversons des prairies grasses. Les paysans et leurs mulets chargés de bois, ou de bidons cheminent sur des sentiers ravinés. En quittant les pâturages on s’enfonce dans la jungle. Il y a des ponts suspendus sur les ruisseaux, des sentiers escarpés et glissants, des lianes enchevêtrées qui pendent. Nous sommes seuls. « Mais où est donc passé Indiana Jones » ?

Á plusieurs heures de marche de toute zone habitée, il y une sorte de ferme tenue par un couple de vieux colombiens qui vit de pas grand-chose. Ils servent des boissons chaudes ou froides pour quelques pesos aux randonneurs qui viennent s’égarer par ici. Assise sur un banc je reprends mon souffle en observant le vol stationnaire et saccadé de dizaines de colibris. Il y en a de toutes sortes. Les plus jolis ont un plumage aux reflets bleu ou vert métallisé. Le vieux monsieur, qui marche avec des grosses bottes en caoutchouc est fou de mes chaussures. Elles sont montantes, étanches, super légères avec semelles épaisses, chaudes en hiver et bien ventilées, j’y suis comme dans des chaussons. Elles sont utilisées par les unités spéciales et la police, et donc parfaites pour la moto et la marche. Nous repartons après cette pause bucolique. Et là, ça monte sec au milieu de la jungle. Je souffle comme un bœuf, j’en vois plus le bout. On émerge au sommet de la colline dans un épais brouillard. Un panneau de bois indique les directions.
_« Ah oui !, on est à 2860m d’altitude » ! La vallée de Cocora est encore à cinq kilomètres. Heureusement le sentier redescend, et malgré la brume, le spectacle est saisissant de beauté. Aussi loin que porte le regard, les collines sont recouvertes d’un épais tapis vert tendre où s’élèvent les majestueux palmiers cire.
Exténués et crottés nous rejoignons la moto. Il est temps, le soleil se couche sur Salento. Demain nous reprendrons la route.
Le dimanche, il y a moins de trafics et c’est tant mieux, car Cali est une grande ville  et on y passe juste pour récupérer le nouvel appareil photo. L’occasion de prendre une chambre au Casa Blanca, un hôtel tenu par un motard. Et le lendemain matin on se précipite chez Sony. Le livreur de chez DHL arrive en même temps que nous. Victoire. Un point final et heureux est enfin mis à cette pénible histoire.

Je vais pouvoir mitrailler tous azimuts !
Á l’étape suivante, nous sommes à Popayán. Toutes les maisons sont blanches

Et comme il y a toujours une colline à escalader pour dominer la ville, on n’hésite pas une seconde...Ça détend les jambes après les kilomètres  de bitume.

Et pour se changer les idées, après avoir eu le nez dans le guidon pendant des heures, rien ne vaut une séance de shopping. La plupart des fringues n’est pas mettable. Beaucoup de froufrous, de décolletés vertigineux sur l’opulente poitrine des mannequins de plastiques siliconés, et des jeans moulés sur des postérieurs rebondis. J’ai découvert le secret des colombiennes ! Je tombe en arrêt devant une boutique qui vend une sorte de gaine qui englobe et remonte les fesses, affine la taille et met la poitrine en évidence. Miraculeux. Je n’aime pas trop l’aspect putassier que ça donne. Mais en regardant les femmes dans la rue, je me rends compte qu’elles portent très souvent des vêtements très suggestifs. Bon je ne veux pas faire la grenouille de bénitier offusquée mais franchement ça ne tire pas l’image de la femme vers le haut. Ce qui nous frappe aussi, c’est qu’il n’y a aucune librairie. Impossible de trouver un livre ou un magazine. A croire que les gens ne lisent pas.

Notre hôtel est génial. J’adore ! Un grand porche ouvre sur une belle entrée qui donne dans une cour intérieure protégée d’une verrière. Deux étages de coursives, desservent les chambres sans fenêtre. Typiquement colonial.

Ce matin, il pleut. Ça commence à être lassant. Je prends conscience en le disant que nous roulons dans la Cordillère des Andes. C’est dingue !
Nous sommes dans la plus grande chaine de montagnes du monde. L'altitude moyenne est de 4000m. Elle prend naissance au Venezuela, où nous n'irons pas, puis traverse la Colombie, l'Equateur, Pérou, Bolivie, Chili, et culmine en Argentine avec les 6962m de l'Aconcagua. Elle sera l'épine dorsale de notre descente jusqu'en Terre de Feu.
On n’a pas assez des 16 millions de pixels pour restituer la finesse de ses paysages et aucune photo n'est à la hauteur de ses vertigineux à-pics.

Pour le moment, nous profitons des routes bordées de forêts d’eucalyptus, qui exhalent un parfum subtil et rafraichissant. La route est taillée dans la montagne, et même si on en prend plein les yeux, mieux vaut en garder un ouvert. On double de vieux « chicken-bus » multicolores roulant à tombeaux ouverts dans lesquels s’entassent les passagers. On a même vu des gamins en vélo, agrippés d’une main à l’arrière du bus, le temps de grimper la côte, dans un nuage noir de gaz d’échappement …Système D. Sur le toit, sont stockés les bagages, les vieux pneus rechapés, des bidons et des panières tressées chargées de victuailles. Je croise les doigts pour que rien ne nous tombe dessus. Parfois c'est cocasse, comme ces deux pépés en cirés jaune, casques de chantier sur la tête juchés sur la mobylette. Le passager tenait une brouette derrière lui, chargée de pelles et de cône de signalisation. Il est aussi très fréquent de se trouver face à face avec un camion qui double et là mieux vaut prendre le bas-côté, car lui ne se poussera pas. La conduite en Colombie est extrêmement dangereuse et nécessite de solides facultés d’anticipations et de sang froid.

Sur la plupart des axes routiers, l’armée surveille le trafic. Des hommes, mitraillette en bandoulière, gilet pare balle, visages maquillés comme leur treillis, lèvent le pouce avec un sourire en nous voyant passer. Ils font peur ! Mais une pancarte « Viaje seguro » (voyager en sécurité) nous rassure sur leurs bonnes intentions.

Le gouvernement fait tout pour montrer qu’il œuvre dans l’extermination des terroristes. D’immenses panneaux avec les visages des huit hommes les plus recherchés du pays sont placardés le long des routes.  Cinq portraits sont déjà barrés de rouge.

Avant de quitter la Colombie pour l'Equateur, on s'arrête à Ipialès. C'est une ville frontalière qui n'a rien d'extraordinaire. On veut seulement visiter le Sanctuario Las Lajas, lieu de pèlerinage le plus important d'Amérique du Sud. Laurent trouve que ça ressemble au palais des Elfes dans le film, « Le Seigneur des Anneaux ! ».

C'est une délirante église néogothique, construite à cheval sur les profondes gorges de la rivière, à l'endroit même où une fillette muette y aurait retrouvé l'usage de la parole.

Le chemin qui y mène, longe une muraille couverte de milliers d'ex-voto.

En remontant à travers les échoppes à touristes, un homme promène un lama au bout d’une laisse. Pauvre bête j’espère qu’il n’a pas peur du ridicule. Son maître l’a affublé d’une couronne en bimbeloterie, d’une couverture en laine rouge posée sur le dos et d’un sombrero accroché à son flanc. C’est notre premier lama des Andes !

Dans quelques heures nous aurons quitté la Colombie.
Conquis immédiatement par ce pays, par la générosité des colombiens et leur sourire chaleureux, on est vraiment surpris et enthousiastes d’avoir découvert certaines facettes de ce pays très attachant.
Beaucoup de gens nous déconseillaient d'y aller, comme pour le Mexique…Mais nous sommes des gamins têtus, à chaque fois, on n'en fait qu'à notre tête...Heureusement !
Certains nous prédisent le pire pour la Bolivie...On a hâte d'y être !
Assez de blabla, en route, il est 11h, on a une frontière à passer !


EQUATEUR, le milieu du Monde


Equateur, petit pays, grande découverte !
Pas d'aventure extraordinaire en Equateur, seulement la sensation d'être entre les deux mondes, le nord et le sud à des hauteurs vertigineuses.
Il y avait belle lurette que l'on n'avait pas vu un si joli poste frontière ! Propre et bien organisé.

Douaniers charmants et souriants. Laurent s'acquitte des formalités d'immigration me laissant en compagnie d'un magnifique chien-loup blanc aux yeux bleus glacier.

Sitôt les passeports tamponnés, on s'élance sur les routes d’Equateur en direction de Quito, la capitale. 
Quelqu'un nous avait conseillé de nous arrêter au cimetière de Tulcán...C'est sûr, c'est une surprise...de taille ! Les cyprès sont de véritables sculptures végétales géantes, représentant des statues précolombiennes, des visages, des colonnes, des portiques, entretenus avec passion par tout un aréopage de jardiniers. 

Le réseau routier à été entièrement rénové au cours des deux dernières années. 
L'Équateur fait parti de l'OPEP. L'exportation du pétrole (de la partie Amazonienne) représente environ 50% des rentrées de devises du pays. On comprend mieux  ces coûteux investissements. Et pour nous c’est une sacrée économie, car un plein d'essence coûte $9 ! (Environ 7€50) Dommage que le pays soit si petit !
Mais le bitume ne sert pas uniquement à poser ses roues,  les gens utilisent la chaleur emmagasinée par le sol pour faire sécher les céréales récoltées en les étalant sur les bords de route ce qui nous oblige à rouler en plein milieu.
Encore un changement de monnaie. Depuis l’année 2000, les équatoriens sont passés du sucre, au dollar américain. Nous devons nous habituer très vite à calculer les équivalences entre euros, pesos, dollar, entre la monnaie du pays précédent  et celle du nouveau, comparé à l’euro pour l’achat des produits de base, nourriture et carburant.
_« Alors, la bouteille d’eau coûtait deux quetzal, ça fait combien en pesos ? »…
Nous sommes reçus chez Alejandro, Valeria, leurs trois enfants, et leur dogue, klaus. Adhérents à la communauté Horizons Unlimited, ils habitent la périphérie de Quito. D’un niveau social très élevé, le père d’Alejandro était pilote de ligne, son aïeule peintre illustre, celui de Valéria était diplomate.  Ils vivent dans une résidence surveillée et protégée de hauts murs et de caméras. Ils sont très sympas, parlent anglais, et nous sommes reçus avec beaucoup de gentillesse. La famille mène grand train, femme de ménage, jardinier et cuisinière habitent une dépendance de la maison. La cuisinière, Lourdes vaque à ses occupations, en portant dans son dos son petit garçon dans un carré de tissu, l’awayo. Les deux soirs, nous dinons avec Valéria et les enfants en parlant de choses et d’autres. Je comprends assez vite que derrière la belle image du beau couple aisé à qui la vie a tout donné, le bonheur est peut être le grand absent des lieux. Alejandro travaille beaucoup, rentre très tard de ses diners d’affaires et souvent en taxi car passablement éméché. Valéria s’éclipse prétextant le coucher des enfants. Le phrasé ralenti par l’alcool et le regard un peu vitreux, il évoque à demi mot ses regrets de ne pas pouvoir lui aussi partir à l’aventure…Je laisse Laurent le soin de recueillir ses confidences et file me coucher.

Nous qui traversons les pays par la route, souvent bien loin des circuits touristiques, on ne peut que constater l’extrême pauvreté et les conditions de vie très dures des indiens. L’opulence dans laquelle vit une toute petite frange de population est d’un tel contraste que ça nous frappera pendant tout le voyage.
Quito, vit à 2850m d'altitude, ses presque 5 millions d'habitants ont pris d'assaut les flancs des montagnes environnantes.

La ville s'étend sur 30 kms de long et 10 de large...C'est la 2ème capitale la plus haute d'Amérique du Sud après la Paz en Bolivie. 
Un voile permanent de pollution pique les yeux et la gorge.

C'est une ville magnifique à l'architecture coloniale, la première à avoir été classée UNESCO en 1973. Ses citoyens sont si accueillants et souriants qu'on est sous le charme.

Le centre historique est riche en monuments. Nous visitons le palais du gouvernement du président Correa. Laurent pose avec l’un des gardes, le temps d’une photo il se prend pour Tintin avec les Picaros.

Les églises ne sont que coupoles et dorures. Je suis sidérée de voir toutes ces boutiques de bondieuseries où les fidèles peuvent acheter des poupées à l’effigie de Jésus et leur garde-robe de vêtements liturgiques brodés d’or !

On aperçoit la Vierge de Quito tout en haut sur la colline. Nous étions prêts à lui rendre visite, mais un monsieur nous chuchote « peligroso » ! (dangereux) en nous croisant.
Bon ben on la regarde de loin alors !
Pourtant la police est bien présente...Et a plutôt bon goût puisqu’elle roule en moto BMW ! Décidément l’Équateur a beaucoup plus de moyens financiers que les autres pays d’Amérique Latine que nous avons traversé pour le moment.

Comme il faut absolument escalader quelque chose, je laisse Laurent monter seul dans la flèche de la basilique du « Vote National » construite en 1893 qui culmine à 115 m. De style néo gothique elle est de taille comparable à Notre Dame de Paris.

Nous sommes début décembre, La Fiesta de Quito bat son plein. Corridas, processions, concerts, orchestres, animent les rues et les places.

Des bus sans fenêtre, sillonnent les rues de la ville, musique poussée à fond. Ils sont loués pour l’occasion par des groupes de jeunes qui boivent et font la fête à bord.

On n'en est pas fier, mais on l’avoue, nous nous sommes fait cirer les pompes... Ce n'était pas du luxe ! Harcelés par des enfants dont c’est le seul moyen de subsistance, on s’est laissé faire. Les gamins n'avaient jamais vu des chaussures aussi sales ! On s’assoit sur le banc, pris en main par deux garçons. Nous nous mettons d’accord sur le prix. Ils n’ont pas plus de 8 ou 9 ans. Dans une vieille boite en bois, il y a plusieurs tubes écrasés, des petites brosses qui ont connu des jours meilleurs, et de vieux chiffons couverts de cirage. Nos chaussures crottées et poussiéreuses sont frottées énergiquement avec la petite brosse qui y laisse ses derniers poils. D’un geste précis ils déposent une demie noisette de cirage noir et astiquent vigoureusement le cuir qui reprend quelques couleurs. Ils finissent par lustrer la chaussure à l’aide d’une brosse spéciale avant de nous demander le double du prix initial ! Petits chenapans va ! Mais le prix est le prix, on était d’accord, non !

Nous prenons ensuite de la hauteur avec le téléphérique qui nous dépose à 4100m.

À cette altitude, on a vite le souffle court, mais on n'hésite pas à sauter de joie en retrouvant tout à fait par hasard nos Jess’s. Incroyable, sans se donner rendez-vous !

Notre devise à tous les quatre, « toujours plus loin », alors on monte à 4300m...Doucement. La végétation est rase, et notre respiration haletante.

Nous sommes face au volcan Pinchincha, dont la dernière éruption date de 1999.

Malheureusement nous ne verrons pas le Cotopaxi, volcan actif le plus haut du monde (5897 m) qui domine Quito et qui ne s'est pas dévoilé.

L'exercice ça creuse ! De retour en ville, on se trouve un petit restaurant de quartier où l'on déjeune pour  $1,50...Par personne, qui dit mieux ? Une excellente soupe de haricots, un plat de poulet frit au riz et un soda.
Nous quittons les Jess’s pour mieux nous retrouver plus tard.

La ligne imaginaire de l'équateur, passe à vingt kilomètres de Quito. Le Mitad del Mundo. Un GPS indique : 0° 0' 0" Nous sommes le 2 décembre, demain c’est mon anniversaire. J’ai cinquante ans ! Je passe le cap du demi siècle au milieu du monde…Il me fallait au moins ça pour avaler la pilule ! Je m'en souviendrais longtemps, les pieds dans l’hémisphère Sud, j’ai embrassé l’homme de ma vie qui lui était au Nord…De l’autre côté de la ligne jaune.
Nous prenons la direction de Cuenca, autre petit bijou équatorien.
Les paysages de la Cordillère sont majestueux. Les pentes recouvertes de cultures en terrasses dans toutes les nuances de vert.

Nous passons un col à 4000 m dans une brume épaisse, au pied du volcan Chimborazo qui pointe à 6310 m et ses neiges éternelles... Sans le voir. Quel dommage ! 
Il fait cinq degré on en a perdu vingt en route. Je me blottis dans le dos de Laurent, le vent est glacial, et je suis tellement déçue de ne rien voir.

Plus de la moitié de la population largement métissée habite dans la Cordillère des Andes entre 2200 m et 2900 m d'altitude. C'est toujours fascinant de voir comment les gens vivent ailleurs. Les femmes coupent des herbes dans les champs qu’elles transportent en gerbes sur le dos, tenues par de grandes écharpes tissées. Elles portent un chapeau, pas un panama, mais plutôt un chapeau de feutre qui ressemble à un borsalino, une jupe sombre, des guêtres en laine et de grandes écharpes colorées. Certaines sont assises sur le bord des routes, tenant un mouton en laisse qui broute des touffes d’herbes maigrichonnes. Les hommes eux portent des ponchos colorés.

En Equateur aussi la moto suscite la sympathie et la curiosité, nous récoltons des sourires et des pouces levés toute la journée.

Nous retrouvons les Jess’s le surlendemain, et c'est bien sympa de rouler ensemble...Même si on a un peu de mal à se suivre. Il y a un brouillard à couper au couteau. La visibilité est tellement réduite que je vois à peine les phares des voitures qui nous croisent. Pendant 200 kms Laurent écarquille les yeux, et moi je me les gèle. Je pense à Jessica qui n’a qu’un léger blouson et des bottines, elle n’est pas très bien équipée. En moto, il n’y a rien de pire que le froid. Dès qu’il s’insinue par les gants, les coutures, le cou ou les pieds, on se crispe et tout le corps devient douloureux, d’où l’importance d’être bien protégé. Surtout quand on fait des journées de route à plus de 500 kms.

Cette fois on a raté la féérie du « Nariz del Diablo ». C’est un canyon vertigineux qu'emprunte l'un des trains mythiques d'Amérique du Sud, comme celui de la publicité pour un arabica célèbre, sur musique de flûte de Pan. Á défaut de café, on a roulé dans le coton toute la journée.
Seul coup de chaud de la journée, l’instant effrayant ou une petite moto avec trois jeunes dessus, oui oui trois ! Nous a coupé la route et a failli s’encastrer dans un camion venant en sens inverse en essayant de nous éviter.
Cuenca a vraiment beaucoup de charme, perché à 2500 m, on y respire mieux qu'à Quito. Classé Unesco depuis 1999, on comprend vite pourquoi ! Laurent et Jess jouent les paparazzi. On s’extasie devant les façades des vieilles maisons bourgeoises, les jolies églises et leurs coupoles bleues, devant les marchés aux fleurs, et les étalages de fruits exotiques.

On aime aussi les murales colorées qui retracent les moments simples de la vie quotidienne.

Nous sommes dans l’une des deux villes d’Équateur ou sont fabriqués les panamas. Ce sont des chapeaux de paille tissée. La feuille de palme est séparée en fines fibres qui sont ensuite cuites ou séchées, selon que l’on est à Cuenca ou à Monte Christi. Puis vient le tissage qui peut durer jusqu’à dix mois pour les plus beaux modèles. Certains panamas très fins et très hauts de gamme peuvent se plier et se rouler, tandis que d'autres sont apprêtés, ce qui rigidifie la paille afin de conserver des années durant, leur forme d'origine. Le prix de certains peut dépasser les mille euros.

Pour la petite histoire, pendant la construction du canal de Panama, des ouvriers du monde entier portent les chapeaux de paille équatoriens pour se protéger du soleil. Panama sert de vitrine commerciale à l’Amérique du Sud. Le chapeau de paille est baptisé « panama » malgré son origine équatorienne. En 1906, Théodore Roosevelt porte ce chapeau lors de sa visite aux chantiers du Canal et contribue à le populariser.
Les Jess’s craquent pour la version black, et nous, on en achète un qui sera la récompense du quizz que nous avons mis en ligne sur notre site internet. La boutique se charge de l’expédier en France, pas question de le promener dans toute l’Amérique du Sud.
Vu que c’est notre anniversaire, eh oui, Jess est du 2 décembre…Mais pas de la même année, je me fais plaisir d’un joli pull en alpaca, un cousin du lama, dont la laine est très douce. Le soir nous fêtons dignement au restaurant, mon demi-siècle et sa petite trentaine.

La traversée de l'Equateur s'achève... Déjà ! 
Ce petit pays est très attachant et ses habitants chaleureux, joyeux et simples, ont ensoleillé notre séjour qui en a souvent manqué. 
Décidément ici aussi on serait bien resté plus longtemps.
Nous prenons la route tôt le matin pour une longue journée au cœur de la Cordillère des Andes. Il fait un froid de canard, Jessica s’est acheté une bonne paire de Caterpillar, ses petons sont au chaud maintenant.
Heureusement que partout où l’on passe le sourire des enfants nous réchauffent le cœur.

Et tandis que les kilomètres défilent, je mitraille tous azimuts, apanage de la passagère oisive.

Nous passons la dernière nuit dans un hôtel à Macara, une ville frontière poussiéreuse. Le matin à 8h nous découvrons deux nouvelles motos garées à côté des nôtres. Deux canadiens, cool !

On va passer la frontière tous ensemble... et ça c'est toujours une aventure !