MEXIQUE

Chihuahua, en plus grand.

Sans se le dire, on appréhendait un peu l’entrée au Mexique. Bien que nous soyons physiquement sur le continent nord américain, tout est différent.
Nouvelle langue, nouvelle culture et malgré nous, l’esprit un peu pollué par les avis négatifs voire alarmistes de certains, on s’attend à tout.
Ojinaga, poste frontière. Nous avançons jusqu’au portique. Un homme nous fait signe de nous garer. La plupart des véhicules, ralentissent, le conducteur fait un signe de tête à l’homme en faction et ré-accélère. Beaucoup font la navette entre Texas et Mexique plusieurs fois par jour, sans vraiment de formalité.
9h30, le douanier s’avance vers la moto nous salue en  souriant. L’occasion de le gratifier d’un « Buenos dias Señor », du bel effet. Il fouille un peu mollement les sacs nous fait ouvrir les valises et indique à Laurent le bureau d’immigration.
9h45, nous attendons notre tour avec les passeports. Erick avait contacté l’une de ses connaissances, et nous obtenons les tampons en un temps record. Prévoyant, Laurent munis des photocopies des papiers de la moto passe aux douanes pour l’importation temporaire du véhicule. Un vieux monsieur essaie de s'y retrouver avec tous ces documents étrangers... Encore quelques coups de tampons et une caution de $400, obligatoire depuis le 1er juin 2011, qu’il faudra penser à récupérer à notre sortie du Mexique.
Tout est en règle.
10h 45, nous voilà dans l’état de Chihuahua, le plus grand état du Mexique, mais également l’un des plus touché par le narcotrafic.

Premier objectif, trouver une assurance.  Plusieurs agences proposent leurs services à deux pas des douanes.
Ce n'est pas si simple, la moto étant immatriculée en France, les compagnies refusent de nous assurer ou bien proposent des tarifs exorbitants. Après plusieurs coups de téléphone et quelques heures d'attente, la jeune fille qui s'occupe de notre cas, nous décroche le précieux sésame, une assurance au tiers, la « tous risques » étant hors de prix.

14h30. On sort vite de la ville après avoir retiré des pesos pour tracer la route jusqu'à la ville de Chihuahua. Sur tous les forums de voyageurs, on a lu qu’il était préférable de ne pas s’attarder sur les zones frontalières dans les pays d’Amérique Latine, particulièrement ici, où la frontière avec les USA est un peu chaude, trafics en tous genres et immigration clandestine.
On réalise qu'il va vite falloir s’habituer aux nouvelles règles...où plutôt à l'absence de règles. On est un peu sur le qui vive. Mais pour être franc, Laurent s'y fait très vite...Doubler sur les lignes continues, griller les stops et passer au feu rouge s'il n'y a personne, ce n’est pas compliqué ! Il réussi à perdre ses bonnes habitudes en un temps record ! 
Mais vu le nombre de croix, et d'autels fleuris sur le bord des routes, ça ne se doit pas toujours se passer très bien !
La région  que nous traversons est aride. Pas un arbre à l’horizon. On se fait une petite pause au canyon de Peguis, histoire de reprendre un peu nos esprits. 

Nous sommes arrêtés à plusieurs reprises, par des militaires armés jusqu'aux dents et la douane volante. Ils font le tour de la moto avec curiosité, nous posent quelques questions auxquelles Laurent répond avec un sourire désarmant : « Estamos de Francia, y no habla espanol, muy bien » !  
Bagages fouillés, papiers épluchés, c'est un peu impressionnant ! J’aurais bien aimé prendre une photo, mais je n’ai pas osé.
Nous arrivons à Chihuahua vers 18h. Garés en évidence devant la cathédrale, un vendredi soir, on peut dire que deux gringos et une grosse moto, ça fait l'buzz ! 
Federico, un motard d'Horizons Unlimited, doit nous y rejoindre. C'est bien sympa d'être attendus pour cette première nuit au Mexique.
Nous suscitons une grande curiosité. Un homme, chemise et pantalon à pinces s'approche, nous salue et nous parle littérature française.
Intriguées par la moto, Maria, sa fille Rosa et sa petite fille, s'approchent et nous posent mille questions, impressionnées par notre voyage. Elles nous souhaitent la bienvenue au Mexique et nous donnent même de la monnaie pour téléphoner à Federico. Une journaliste s'arrête à son tour et nous promet quelques lignes dans la gazette locale. On se débrouille avec notre espagnol un peu hésitant, sous le feu nourrit des questions.  La petite fille est assise sur la moto. Le temps passe et sa grand-mère commence à s’inquiéter de notre sort.

Si Federico n'était pas arrivé, je crois bien que Maria était prête à nous recueillir pour la nuit. On est à mi-chemin entre « Pékin Express » et « J’irai dormir chez vous ».
En guise de bienvenue, Federico, qui parle parfaitement anglais et que nous connaissons depuis une demi-heure nous conduit dans un très bel hôtel. On lui explique que c’est hors de notre budget. Hors du nôtre peut être, mais pas du sien. Il nous offre la nuit et le petit déjeuner. Waouh ! Quelques uns de ses amis nous rejoignent pour l’apéritif et nous organisons la journée du lendemain. Ils font partie d’un moto-club et nous proposent de nous joindre à eux pour leur balade du samedi. Premier petit déjeuner mexicain, œufs brouillés, haricots noirs, genre de petites saucisses super épicées, crudités, sauce salsa pour cracher le feu, on se régale.
Goldwing, Harley, BMW,  à 8h30, ils sont tous là, blousons de cuir noir et chaps aux couleurs de leur club, j’ai l’impression de rouler avec des Hell’s Angels !  Dans un autocar, des enfants agglutinés aux carreaux, agitent les mains, et nous regardent remonter les  files de véhicules.

On s’arrête déjeuner dans une petite baraque de rue. Tacos, buritos et autres enchiladas accompagnés de viandes marinées, que l'on peut assaisonner avec la fameuse sauce salsa, découverte ce matin, et qui vous met le feu ...un peu partout. Au Mexique, sur le bord des routes, dans les villages, on trouve à toute heure de quoi manger, pour presque rien.
Federico sort un flash et nous trinquons d’une rasade de Téquila.
Nos routes se séparent ici. Ils font une boucle, alors que nous nous enfonçons plus avant dans ce pays qui commence à bien nous plaire.
Avant de nous quitter, ils nous couvrent de cadeaux, bandanas, pin’s et tee-shirt du club et nous prodiguent quelques conseils utiles en cas de pépin en nous briefant sur les coins les plus dangereux à éviter.

Encore une fois la solidarité motarde n'est pas un vain mot.

Nous décidons de passer deux nuits à Creel, notre étape du jour, nous poser un peu au calme, trouver une carte du Mexique et nous mettre au rythme du pays.
Creel, est située à proximité du Barranca de Cobre (Canyon du cuivre) dont les profondeurs supplantent celles du Grand Canyon.

Depuis 2010 un téléphérique et une via ferrata plus que sportive ont été construit ce qui attire de plus en plus de touristes.

Une communauté indienne, les Tarahumara, vit au cœur de cette vallée, complètement autonome et à plus d’une heure de marche de la première route.

Le costume traditionnel des femmes se compose de jolies robes plissées, de caracos très colorés, d'un foulard, et d'un châle sur les épaules, qui sert souvent à porter un enfant.
Elles tissent de magnifiques étoffes et vendent de la vannerie aux visiteurs.

De la chambre d’hôtel, qui donne sur une petite rue, je satisfaits ma curiosité en observant à la dérobée les femmes et les hommes aux costumes étranges et bigarrés chaussés de sandalettes en cuir. 

Les enfants, garçons et filles, apprennent très tôt à repérer les gringos comme nous, qu’ils poursuivent sans relâche pour leurs vendre des colliers, bracelets, ou paniers tressés et ainsi aider leur famille à vivre. Les plus pauvres habitent en dehors du village, dans de simples grottes aménagées sous les rochers sans eaux ni électricité.

Nous sommes descendus dans un petit hôtel très simple et bon marché.  Il faut absolument faire une lessive, car on n’a plus rien à se mettre sur le dos. Jusqu’à présent, on s’était toujours débrouillés en lavant à la main, ou avec le système de laverie automatique ou bien en profitant des machines à laver de nos hôtes canadiens et américains. Ici, la femme de ménage qui ne fait la chambre que si on a la gentillesse de mettre quelque chose dans l’enveloppe rose, marquée « propinas », posée sur le chevet nous propose de s’en occuper. Elle l’emmène chez elle, le lave à la main et le fait sécher avant de nous le rendre bien plié, le tout pour une somme dérisoire qui lui permet d’arrondir ses fins de mois. Très vite on fait la connaissance de deux français, Marc et Patricia, qui occupent une chambre voisine et que nous croisons au petit déjeuner. Patricia est en vacances et est venue rejoindre Marc qui lui est photographe et bourlingue un peu partout dans le monde. Il nous raconte ses dernières aventures au Salvador et ça ne me rassure pas. Le mois dernier, il s’était aventuré seul dans un bel endroit pour prendre des photos, et s’est fait dépouiller de tout son matériel. Il conclu en disant que le plus important c’est d’être encore en vie…Gloups.
Le soir, je lui montre notre site Transam2011, fière de certains clichés « artistiques », pour avoir son avis de pro. Un conseil, il ne faut JAMAIS montrer ses photos de vacances à un photographe professionnel...Ca fait mal ! Aucune ne trouve grâce à ses yeux, mal cadrées, pas de premier plan…Pour illustrer ses conseils, il me montre les siennes. « Eh bien excuse moi « môssieu » le photographe, mais je ne les trouve pas terribles ! ».

Au petit déjeuner, Renée, une fillette de Chihuahua, qui me fixe avec curiosité, vient me demander timidement si je veux bien être prise en photo avec elle et sa sœur. Je suppose que ma peau blanche et mes cheveux courts décolorés l’ont subjuguée. Je prends conscience que moi aussi je peux être un sujet de curiosité.

Il est temps de repartir. On en prend plein les yeux sur la route de Creel à Guachochi. Cent cinquante kilomètres asphaltés en excellent état, qui serpentent dans des canyons vertigineux.

Nous arrivons en ville à l’heure du déjeuner. Un petit restaurant fait sa cuisine dehors. On s’installe affamés sur les chaises en plastique rouges, siglé d’une célèbre marque de soda. Pendant la préparation des tacos, une famille s'arrête sur le trottoir d’en face et nous dévore des yeux pendant un long moment. C’est d’ailleurs assez déroutant, car tout le monde nous regarde. Nous sommes incongrus avec nos gros blousons, au milieu des gens à la peau presque noire, vêtus traditionnellement.  La moto lookée Paris-Dakar dans les  rues poussiéreuses, au milieu des  pick-up pétaradants et des mobylettes ne passe pas inaperçue non plus. Elle plonge souvent les passants dans une profonde réflexion.
On se trouve un petit hôtel, pimpant fraîchement repeint. Il y a un truc que je ne comprends pas, même quand nous sommes les seuls clients, le réceptionniste nous donne toujours la chambre la plus éloignée, ou la plus haut perchée. Ensuite nous devons souvent faire deux voyages pour transporter les sacs et les casques, engoncés et transpirant dans nos blousons et pantalons de motos.

La propriétaire  est charmante et très bavarde. Laurent lui demande ce qu’il y a d’intéressant à voir dans le secteur, elle nous conseille d'aller à la Barranca de Sinforosa. Il parait que le canyon est magnifique. 
Elle nous explique que la route pour s'y rendre est très mauvaise...ce n’est pas grave madame, on a une GS et c'est fait pour !
La route n'est pas mauvaise, elle est épouvantable ! Pour sortir de Guachochi, on se rend vite compte que seules les rues principales sont pavées, ce qui est d’ailleurs la règle pour la plupart des villes. Les autres voies ne sont que des chemins terreux, défoncés de trous et d’ornières boueuses.

Ce qui devait arriver, arrive, on fini par s’embourber. La moto est plantée dans la bouillasse. Je suis prête à rentrer à pied, tellement je n’ai pas envie de me torchonner ! Il faut pourtant bien sortir de là. Laurent démonte les valises alu pour alléger la moto, tandis que je dispose des branches devant la roue arrière pour qu’elle reprenne de l’adhérence. Remise de gaz, ça patine en éclaboussant, mais on fini par s’en sortir. Et ce n’est pas terminé, il faut maintenant descendre une portion de route empierrée, on croit rouler dans le lit d’un torrent asséché. Laurent maitrise la situation comme un pro. Je suis fière de lui, même si je meure de trouille de tomber. 

Mais quelle récompense au bout des dix sept kilomètres qui m’ont parus interminables. Un gardien de vache nous soulage de quelques pesos, car pour accéder au site, il faut traverser son champ. Un belvédère surplombe ce canyon qui, effectivement peut rivaliser avec celui de l’Arizona. Nous sommes seuls à profiter du paysage. « Dis donc, y a pas un autre chemin pour rentrer ? »

Au matin nous découvrons que la moto, garée sous le préau de l’hôtel, a été sécurisée. Le petit ami de Lili, la jeune réceptionniste, l’a entourée d’un treillis métallique pour que personne n’y touche. Nous serons souvent  surpris par l’empressement des gens à vouloir protéger la moto partout en Amérique du Sud.

Lili est étudiante en école de tourisme, et avec son ami, ils se proposent de nous faire découvrir les chutes d'eaux au cœur de la ville. C'est l'occasion pour elle de s'entraîner à guider des touristes, en français et en anglais. De retour à l’hôtel pour récupérer nos affaires, Lili nous invite à venir déjeuner chez son père qui tient un petit restaurant à la sortie de la ville. Je pars en voiture avec la propriétaire de l’hôtel pour donner la possibilité à Lili de faire un petit tour en moto. Elle est aux anges. Son père veut nous offrir le repas, mais nous déclinons poliment. Ce qui est peu pour nous est beaucoup pour eux. Lili en aura besoin pour financer ses études de tourisme.
Nous prenons la direction de Durango. Les distances sont grandes entre les villes et il y a peu d’hébergement. Nous poussons jusqu’à Rodeo. Il est  à 18h30. On se pose dans un hôtel très rudimentaire mais bon marché, un léger voilage occulte vaguement la vitre de la porte en fer de la chambre, une colonie de fourmis vaque à ses occupations le long des murs salpêtrés, et la forme du matelas en dit long sur son âge. Nous dinons dans la chambre, après avoir fait les courses dans la superette du coin. Mais ce que nous pensions être une boite de sauce tomate pour agrémenter les pâtes est en fait une boite de « chipotles ». C’est immangeable ! Nous donnons le restant de la boite au propriétaire ravi et savons désormais que le Chipotles est un piment très fort qui assaisonne la cuisine mexicaine.

Depuis que nous sommes dans ce pays, tout est source d’étonnement. Peu de mexicains possèdent une voiture personnelle. Ils utilisent les transports en commun et s’entassent, hommes, femmes, enfants, ouvriers, animaux, matériaux dans tout ce qui roule, dans des conditions inimaginables en France, comme ces vieux pick-up bringuebalants hors d'âge.

Nous avions vu aux informations, aux USA, une nurse mexicaine, arrêtée et jugée pour avoir transporté le bébé qu’elle gardait, dans son landau à l’arrière du pick-up. Quand on voit comment les choses se passent ici, on a comprit que la maltraitance dont elle était accusée est en fait le quotidien pour la plupart des mexicains.
Dans les campagnes, l’agriculture en est à un stade archaïque. Il n’est pas rare de voir des mulets ou des bœufs tracter l'araire.
Dans les villages, de minuscules commerces construits de guingois animent les rues.

Je suis fascinée par les magasins de pneus. «  Vulcanizadora ». Pas un seul pneu neuf à vendre, tous sont usés jusqu’à la ferraille, prêts à resservir. Ils sont empilés à même le trottoir, ou sur une terre noircie de graisse et d’huile de vidange, au milieu des vis et des boulons. Et les mécanos qui émergent de là sont aussi noirs que les pneus.

Les publicités et les évènements importants sont directement peints sur les murs. Dessins naïfs et colorés. Et toujours les petits restaurants de rue, qu’on adore.
Quelque chose nous frappe beaucoup, et me désespère, ce sont les chiens errants. Maigres, pelés, la queue basse, en permanence à la recherche de nourriture, ils errent au milieu des rues. Parfois en bande, poursuivant une femelle en chaleur, ils déboulent sans crier gare.
Rouler au Mexique n’est pas de tout repos. Il faut être super vigilants. Les traversées de villages éprouvent les nerfs, il faut de méfier des chiens qui traversent, des topès, « gendarmes couchés » en travers de la route tous les cinquante mètres environ et rarement signalés. Mais pour moi le pire de tout, ce sont les doubles bandes de clous, ronds ou rectangulaires en métal posés en quinconce. Sans clôtures, les troupeaux se déplacent afin de trouver de quoi subsister. Il faut slalomer entre les vaches en exode sur les routes.

Mais nous sommes vraiment séduits par ces premiers jours au Mexique, impatients de découvrir ce pays contrasté si loin de nos codes de vie habituels. 
Notre prochaine étape, Zacatecas.

Zacatecas, fastueuse et festive


Le Mexique nous livre peu à peu ses richesses.
Après les paysages arides au passage du Tropique du Cancer, seulement hérissé de cactus géants, de barrages routiers, de militaires tantôt aimables, tantôt soupçonneux, nous traversons des terres rouges agricoles. Les pueblos, aux pauvres maisons mal alignées bordent les routes. Et c’est sans transition que nous arrivons à Zacatecas. 
Petit bijou niché au creux d'une vallée encaissée, son centre historique est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1993. La première cathédrale depuis Chihuahua que nous voyons, est une dentelle de pierre d’un rose saumoné très surprenant, qui se découpe sur un ciel azur.

Il fait un temps magnifique, la chaleur est très supportable mais les nuits assez fraîches, car nous sommes à 2450 m d’altitude. On l'a bien senti en arpentant les rues, le souffle un peu court.
Il règne une grande effervescence dans la cité car non seulement la fête nationale, « Independencia », se prépare, mais la ville célèbre également les 465 ans de sa fondation en 1546. Les drapeaux rouge blanc vert flottent sur les avenues.

Finis les USA et ses villes quadrillées, ici l'influence est espagnole. 
Sans plan de ville, dans les dédales de rues étroites, impasses, sens interdits et déviations mises en place pour les festivités, ainsi que les embouteillages, on s’y reprend à plusieurs fois avant de comprendre comment ça marche. Bienvenue en ville !
Après avoir tourné un bon moment, on déniche un petit hôtel charmant à deux rues de la cathédrale. La chambrette qui est au 3ème étage, donne sur les toits. On peine à transporter tout notre barda dans l’étroite cage d’escalier. La moto est garée sur le trottoir surveillée de près par le propriétaire du magasin de chaussures d’à côté. 
On déniche quelques prospectus touristiques, et partons à la découverte de la ville à pied. Les ruelles étroites débouchent sur de jolies places fleuries, rafraichies par des fontaines. La couleur éclate partout, sur les murs des maisons et des monuments.

Ici pas d'enseignes clinquantes, ni d’affiches publicitaires, tout est peint directement sur les murs. C’est la règle. En cas de changement d’activité commerciale, un coup de peinture et le tour est joué.
En levant les yeux, on voit les cabines du téléphérique se balancer au dessus de la ville, et les coupoles et clochers en faïence bleue et blanche se découper sur un ciel sans nuage.

Partout en ville, les vendeurs de rues vous proposent à manger, à boire, ou bien des herbes miraculeuses destinées à soigner tous les maux.

Certains vendent des fruits de cactus, appelés « tuna ». Ils sont épluchés et présentés empilés sur des soucoupes. Rouges, orangés ou verts,  j'ai envie de tout goûter ! Un antique viaduc enjambe les rues et les maisons basses, au milieu d’un enchevêtrement de fils électriques et d’antennes télé. Il y a des églises partout.

C'est au cours de cette balade que nous rencontrons Francisco, surnommé Pancho. 
Une superbe BMW 800 GS jaune et noire qui passe, des regards qui se croisent, le pilote s’arrête à notre hauteur et il n'en faut pas plus à Laurent pour faire immédiatement connaissance. Il a cette capacité de très vite pouvoir communiquer dans une langue étrangère. Il n’a aucune timidité, une excellente mémoire et surtout l’envie de rencontrer les autres.
Francisco, habite tout près de l’hôtel et très gentiment nous propose de sécuriser la moto à côté de la sienne dans le hall de son immeuble. Il parait que c'est préférable pour la nuit.  « Mi casa es su casa » !
Ensuite, il nous emmène grignoter de délicieuses enchiladas que le patron nous offre en guise de bienvenue. 
Comme nous avions décidé, (quelle drôle d'idée !) d'assister en fin de journée à la corrida, clou des réjouissances. Francisco nous pilote jusqu'à la plaza de Toros pour prendre nos billets. L'occasion de discuter avec un policier motard en 125cc, surement un peu jaloux de notre « grosse bestiole ».

Le mur d’enceinte des arènes est percé de meurtrières. En jetant un regard par l’une d’elles,  je surprends les taureaux noirs, inquiets, dans une cour de terre battue, en contrebas... 
Ceux qui vont mourir te saluent !

Comment ai-je pu penser une seconde que je pourrais assister sereinement à une corrida et apprécier le spectacle ?! 
Je suis déjà triste comme les pierres en voyant une vache morte de faim ou de soif sur le bord de la route, alors une mise à mort... 
Ça commençait bien pourtant. L'orchestre, des calèches blanches fleuries qui promènent deux miss monde richement vêtues saluant la foule, un cavalier en habit de lumière, surgissant hors du toril. Une ambiance de fête dans l’arène survoltée. On y vient en famille ou entre amis assister au spectacle et déguster les plats préparés que des vendeurs, en véritables équilibristes, proposent à bout de bras en se frayant un chemin dans les gradins.

Dès le premier taureau, Tino, 528 kilo de muscles, j'ai craqué. 
Une première banderille plantée dans son cou... le sang qui coule...

Cette bête, seule contre tous, au milieu de l'arène à se demander ce qu'elle fait là ! Je me suis posée la même question. 
J'ai planté Laurent, j'ai couru vers la sortie, la gorge serrée. Quelqu'un m'a ouvert la porte. Le taureau lui, n'a pas eu le choix. Il y est resté comme les sept autres qui ont suivi.

J'ai attendu dehors, assise sur un banc pendant presque trois heures, à l’ombre des hauts murs, glacée jusqu’aux os par les clameurs d'une foule enthousiaste et conquise.
Nous rejoignons Francisco chez lui. Il habite dans la rue principale et c’est de son balcon que nous  assistons au défilé et à la procession de la Vierge. La soirée se termine dans un restaurant traditionnel avec sa femme et leurs amis. 
Rien de tel pour tout oublier. 
Au matin, moto chargée, prêts à reprendre la route, Francisco et sa fille nous accompagnent au sommet du Cerro de la Bufa d’où on a une vue panoramique extraordinaire sur la ville et ses trésors.

Et c’est sous la statue de bronze du cheval cabré du Général Francisco Villa, dit Sancho, héros de la révolution mexicaine au début du vingtième siècle que nous faisons nos adieux à Francisco, sa gentillesse et son hospitalité.

Viva les motards de Jalisco ! Cabrones

En route pour Guadalajara dans l’état de Jalisco.
C'est la deuxième plus grande ville du Mexique après Mexico City. Plus de quatre millions d'habitants, agglomération comprise, autant dire que ça fait du monde sur la route, un vendredi soir en fin de journée, juste au moment où on arrive !
Laurent trouve son chemin difficilement. La circulation est dense et indisciplinée. Il veut profiter de l’étape dans une grande ville pour changer le pneu arrière complètement rincé. 
Il est 18 h, on galère un peu, beaucoup, vu qu'on n'a pas de plan de la ville. Et là, envoyé par « l'ange sauveur de motard égaré », Arturo, sur son fidèle destrier BMW 1200 GS. Intrigué par notre immatriculation pas très mexicaine, et devinant que nous sommes un peu perdus, à notre conduite hésitante, il prend les choses en mains. Il se met en travers de la route, bloque les files de voitures pour nous permettre de traverser les trois voies et nous garer sur le trottoir. 
Il se présente, et nous sort sa carte de secrétaire du Moto Club BMW de Guadalajara. « De quoi avez-vous besoin ? » « La concession BMW pour changer un pneu ?, non, non, non, c’est trop cher ! » Il téléphone dans un garage qui fait du pneu Metzeler, prend RDV  pour nous dans...20 minutes et nous pilote en slalomant entre les files de voitures jusqu’au garage Surti Moto. Il ne nous abandonne qu’une fois la moto installée sur le pont.

A peine une heure après, nous sommes dehors, stupéfaits de ce tourbillon d'efficacité !
GENIAL !!! Nous avons gagné un temps fou. 
Hugo et Selena nous attendent. 
Contacté via Horizons Unlimited, Hugo, mexicain,  qui a vécu 25 ans au Canada est prof d'anglais, et pourra si nécessaire nous servir d'interprète, même si Laurent se débrouille de mieux en mieux en espagnol.
Comme par magie, on le voit surgir comme une fusée à côté de nous, au guidon de son VFR rouge dans le flux compact de la circulation. Je ferme les yeux quand il nous fait signe de le suivre entre les voitures. « Attention aux valises ».
Hugo et Séléna sont propriétaires d’une petite maison très simple, dans une résidence bunkérisée, entourée de hauts murs surmontés de fil de fer barbelés. Un gardien veille jour et nuit sur l’entrée de la résidence. Hugo nous explique que les gens de ce petit quartier populaire, ont financé eux même leur protection pour éviter cambriolages et dégradations. Je tombe immédiatement sous le charme de leur Chihuahua qui en mexicain pure souche, n’a peur de rien. Il veille jalousement sur une adorable petite chatte aux yeux bleus et ses bébés.
Samedi matin, nous allons sur les bords du lac Chapala,  à quelques kilomètres de Guadalajara ou les mexicains vont pique-niquer en famille le week-end et s’offrir une promenade en bateau à moteur.

Les flamboyants sont en fleurs et offrent un peu d'ombre aux vendeurs de rue. Nous revenons en ville qu’Hugo est heureux de nous faire découvrir.
Une descente au mercado couvert « la Libertad » de Guadalajara est un pur moment d’exotisme.  On a juste envie de se perdre dans le dédale coloré, épicé et bruissant de vie des milliers d'échoppes. Étals de sombrero et costumes de mariachi, pour les hommes, jupes en satin vert ou rouge et caracos blancs brodés pour les femmes. Herboristeries très orientées prouesses viriles, nous rappellent que le mexicain est très macho !

Dans la zone réservée aux restaurants on s’installe au comptoir de «la Pescaderia Rosita ». Tous sont conçus de la même façon. La cuisine en îlot central, entourée d’un comptoir ou l’on vient s’attabler en attendant de passer commande. Les sauces piquantes préparées à l’avance dans des coupelles, passent de main en main pour agrémenter pozole, mole, fajitas, et tant d’autres spécialités dont les incontournables tacos.

Hugo choisit de nous présenter à sa famille. 
Traditionnellement ils se retrouvent le samedi soir, les frères et sœurs, beaux frères et belles sœurs petits enfants pour le plus grand bonheur de tous. Dans la cour, ouverte sur le trottoir d’une rue calme, ils discutent, mangent ce que les uns et les autres ont apporté. Les enfants courent, rient, se chamaillent et parlent avec respect à leurs grands-parents.
Le père d'Hugo, lui aussi a été motard, sur une Harley en 1940. Une vieille photo agrandie en poster, que ses enfants lui ont offerte, est accrochée sous le préau. Autant dire que dans la famille, la moto c'est sacré.

Nous sommes accueillis chaleureusement et passons un super moment en famille.
Lorsque nous rentrons vers 22h, Selena son épouse est rentrée mais son attitude est un peu froide, distante et agacée. Nous sommes mal à l’aise, surtout moi. Solidarité féminine oblige ! Je me rends compte qu’Hugo est très macho et il en rajoute en lui disant combien il préfère rouler seul en moto. Qu’il n’aime pas rouler avec un passager, surtout lorsqu’il l’a sent crispée (tu m’étonnes !, il roule comme un fou !) et que c’est pour ça qu’il ne la pas emmenée en balade cet après midi !
Pour apaiser les tensions, il lui promet de faire un effort pour celle du lendemain.
Dimanche, 11h départ pour une belle journée de balade avec les copains du moto club d'Hugo.
Une 650 GS Paris-Dakar pour Alberto, des 1000 GSXR pour Javier et Juan Carlos, munies de plaques illisibles et pas très réglementaires,  et même une fille en Harley. Ils ont décidé de nous emmener à Tequila, visiter une distillerie.

Nous roulons à travers des champs d'agaves pendant des kilomètres sur fond d’horizons montagneux. Une horde de motos chinoises style chopper, se joint à nous, et il n’y en a pas moins d’une vingtaine garées devant le restaurant où on se retrouve tous pour déjeuner. Une tablée de motards, c’est toujours très bruyant, mais une tablée de motards mexicains, « cabrones », les décibels grimpent encore plus vite et les autres clients s’en souviennent encore.
Les rues du centre ville de Tequila sont pavées, les autres c’est sable et cailloux, et les Harley et GSXR ne sont pas être à la noce !

La distillerie de tequila « José Cuervo », est l’une des plus réputées et plus anciennes de toutes. La visite est très intéressante. Au milieu d’un groupe attentif, tous coiffés d’une charlotte de papier blanc ridicule, nous écoutons le guide nous exposer les procédés de fabrication de la tequila. Ça me rappelle ceux du Whisky. 
Les explications étaient en espagnol, et le monsieur parlait très vite... dans les grandes lignes, ça doit être à peu près ça : 
Récolte de l'agave. Chauffage à la vapeur pour obtenir le sucre nécessaire à la macération. Distillation dans de superbes cuves en cuivre. Et après quelques années de vieillissement en fûts de chêne du Limousin, je n’invente rien, une copieuse dégustation !
Et  au bout de la troisième, on avait tous oublié la charlotte !

L'hacienda  est splendide et la fraicheur de ses murs ocre est la bienvenue.

De retour à Guadalajara, nous nous immisçons dans une parade de motards, tous plus déjantés les uns que les autres. Quelle ambiance ! Un concert de Hard Rock crache les décibels. Des militaires hilares, en treillis et gilets pare balles, se prêtent bien volontiers à une séance photo avec les deux gringos. Un policier, bon enfant,  m’autorise à monter sur sa moto.  Un motard avec un très élégant squelette blanc peint sur son cuir noir, visage caché par un masque tête de mort et coiffé d’une longue perruque blanche, me prend dans ses bras. Tout le monde est garé et nous déambulons au milieu de machines hallucinantes à deux ou trois roues.

On a quand même consacré un petit quart d'heure pour une visite traditionnelle, églises, mini Arc de Triomphe, plaza Minerva et bâtiments officiels.

La soirée se termine au restaurant, dans une ambiance de franche rigolade, devant des assiettes copieuses, et des mariachis qui nous jouent la sérénade.

Quand je pense qu'on nous déconseillait d'aller au Mexique !!! On n'aurait raté ça pour rien au monde. Malgré tout mieux vaut être sur nos gardes. L’un de leur copain motard s’est retrouvé en slip, dans le vrai sens du terme, il s’est fait dépouillé. Plus de moto, plus de vêtements plus d’argent, seul sur le bord de la route, mais vivant, il y quelques jours à Zacatecas…Gloups !
Mais cela ne gâche en rien notre engouement pour ce pays. Super génial ce weekend end ! Les filles voulaient même que je revienne en octobre, car elles organisent un rassemblement motard 100% féminin et avec moi, la française, elles auraient pu l'appeler « concentration INTERNATIONALE ! ».

Bon ben faut partir...

Adieu Hugo, adieu Selena, adieu les motards du club, Rafael, Javier, Gabriel, Cesar et Erika, Javier et Juan Carlos, Alberto ... on a adoré rouler avec vous. 
Laurent me dit ému qu’il a retrouvé, le temps d’un week-end, l’insouciance de ses 20 ans et les premiers émois de sa jeunesse !
Aaaah si tous les motards du monde…

Guanajuato ville d’ombres et de lumières

De Guadalajara à Guanajuato, nous traversons quelques petits villages, et leurs commerces de rue. Le marché de la contrefaçon est florissant. A tous les coins de rue, on peut acheter en toute illégalité des CD copiés maison, pour trois fois rien.

La cuisine familiale est servie à toute heure. Conviviale, économique, on arrive à très bien manger à deux pour 3 à 6 € boissons comprises. Les échoppes sont si minuscules et il y règne un tel bazar que souvent le commerce se fait à l’extérieur. Au Mexique on répare tout, jusqu’à l‘infini, les voitures, les mobylettes l’électroménager.
Guanajuato, ville coloniale, est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1988 ainsi que 25 autres sites. Le Mexique, détient ainsi le record de tout le continent américain. 
Circuler la première fois dans cette ville est assez déroutant. Le Centro Historico est situé sur une colline. Il est possible d’emprunter un genre de périphérique souterrain pour éviter les embouteillages en surface et la circulation anarchique dans les étroites ruelles. Mais si on loupe la sortie, c’est reparti pour un tour de manège !

Heureusement qu’avec Laurent aux commandes, on n'est jamais perdu très longtemps. Dans les villes, nous sommes très vite repérés par les rabatteurs d’hôtel, qui nous courent après pour nous aiguiller vers l’établissement qui leur reverse ensuite une commission.
Mais se loger n'est pas très compliqué. Il y a de nombreux petits hôtels, où pour 200 à 300 pesos, (environ 12 à 15 €), il y a, l'agua caliente (l'eau chaude), internet et  il est toujours possible de discuter le prix, et ce, sans intermédiaire.
Rien ne nous presse, on a juste envie de déambuler dans les ruelles, sous le charme des façades des maisons peintes de couleurs vives, jaunes, bleues, briques, ocres, rose. Les rues s’enroulent autour des collines qui composent la ville. Mais à pied, il est possible d’emprunter des escaliers qui grimpent à la verticale directement au sommet. On embrasse ainsi toute la ville d’un regard, prise au piège d’un maillage serré de câbles électriques.
Entrer dans les nombreuses églises, nous procure une agréable sensation de fraicheur. Nous sommes toujours surpris de tant de richesses, dans un pays aussi pauvre. Débauche d’or et de pierres précieuses qui nous rappellent l’importance de la religion. Nous retrouverons cela partout en Amérique du Sud.
Sur le trottoir, des femmes vendent des portions individuelles de plats cuisinés maison, d’autres, un torchon à même le sol proposent  des fruits. Elles tricotent pour passer le temps et vendront certainement la prochaine fois leur production.
Au sommet d'une colline, le musée des momies est l'une des curiosités de la cité. Elles proviennent du cimetière principal de la ville. Il s'agit d'un processus naturel de momification dû à plusieurs facteurs, tels que la sècheresse de l'air, l'altitude, et le fait que les cercueils n'étaient pas enterrés, mais empilés les uns sur les autres jusqu’à former des murs de plusieurs mètres de hauteur. Mortel !!!
Elles sont exposées dans des vitrines, dans un état de conservation exceptionnel. Complètement fascinée je regarde ces visages, et ces corps figés dans la mort bouche grande ouverte. Et bizarrement même si çà ressemble plutôt à une galerie des horreurs, je les trouve beaux.

Nous retrouvons les rues ensoleillées avec délice.

Dans un jardin ombragé, confortablement installés sur des chaises hautes, le regard dans le vague, des hommes chics, en bras de chemises se font cirer les pompes.

Un buste de Cervantès rappelle qu’il a vécu ici. Il doit être fier là où il est, de voir son génie célébré, et Don Quichotte, Sancho Pansa et sa rossinante, changés en statue de bronze.

Et pour terminer la soirée sur une note romantique...rien ne vaut un petit tour en funiculaire, pour admirer El Pipila, statue érigée à la gloire de la Révolution.

Nous attendons sur la colline, le coucher de soleil. Installés sur la terrasse d'un petit restaurant,  on sirote une Corona, sous la protection d'un Corcovado miniature.
Peu à peu le soleil décline, le ciel étend un voile bleuté sur la ville qui s’illumine.

On redescend à pied par les ruelles éclairées, en admirant les tags muraux.

Demain, nous dormirons à Mexico City... L'une des plus grandes villes du monde, si ce n’est la plus dangereuse, et là non plus, on n'a pas de plan !


Sous le soleil de Mexico


Notre route est pavée de petites merveilles architecturales. La ville de San Miguel d'Allende en fait partie, aussi colorée que Guanajuato, avec de très belles maisons coloniales aux balcons en fer forgés.
Nous faisons le tour du centre historique en regardant passer, en petite foulée, les porteurs de la flamme des jeux panaméricains 2011 de Guadalajara.

De vieilles femmes enveloppées de foulards mendient sous les porches ou vendent des objets artisanaux à la sortie de l'église.

Un marchand propose des timbales de fruits frais coupés en morceaux, ananas, pastèques, papaye ou noix de coco. Tentée, je renonce en voyant une bonne dizaine de guêpes s’énerver dans le godet, prises au piège de leur gourmandise.

Il est bien difficile de ne pas craquer pour les sublimes tapis mexicains tissés à la main, vendus quelques pesos, manque de place oblige, je me contente d’une enveloppe de coussin brodée main. Laurent me regarde d’un air réprobateur. « Mais si, tu verras, ce sera très chouette sur le canapé » !
Le paysage défile. En approchant de Mexico City, la circulation devient très dense, les klaxons hurlent plus fort que les ronflements des moteurs fatigués, l'air est saturé de gaz d'échappement, Laurent est concentré sur sa conduite et mon foulard sur le nez me sert de filtre à particules.

Robert, via Horizons, a répondu présent pour nous héberger. Avec ses indications précises, un vague plan de la ville et le maintenant légendaire sens de l'orientation de mon homme, nous arrivons à bon port sans trop de problèmes.
Robert est américain, artiste peintre, inspiré par l'art méso américain et prof d'anglais. 
Il vit à Mexico depuis cinq ans. On passe une première soirée très sympa en participant à son cours d'anglais à domicile. Deux médecins gynécologues tentent laborieusement d’améliorer leur niveau, afin de participer à des congrès internationaux. Mais je crois que ce qu’ils aiment par-dessus tout, c’est cette petite bulle d’air dans leur vie de praticiens surbookés. On termine la soirée tous ensemble dans un restaurant de quartier devant un pozole, soupe mexicaine délicieuse, et des flautas (flûtes), tortillas roulées fourrées de viande accompagnées d'une sauce à la crème fraiche très épicée. 
Robert nous recommande de garer la moto dans un parking gardé et payant. Lui-même, cadenasse son 1000 Vstrom dans le hall de son immeuble fermé à double tour...On sent que question insécurité, le niveau est monté d'un cran. On voit partout des patrouilles policières ou militaires armées jusqu'aux dents, doigt sur la détente des mitraillettes. Bon ben c'est rassurant, comme ça on est bien gardé.
Il faut dire que nous sommes à deux jours de la fête nationale.
Voilà un moment qu’une idée me trotte dans la tête. J’imagine qu’à Mexico City, je peux trouver un salon de coiffure digne de ce nom, capable de me faire une décoloration. Je prends rendez-vous pour le lendemain de notre arrivée. Dès 10h, munie de quelques phrases toutes faites en espagnol, copiée sur un traducteur internet afin de me faire comprendre, je squatte le salon. Je suis un cauchemar pour tous les coiffeurs, qu’ils soient français ou mexicains. Mes cheveux virent carotte en décolorant, il faut utiliser un produit très agressif pour les déjaunir et obtenir un blond le plus platine possible, à la place des racines gris souris qui me grignotent la tête. Les pauvres coiffeurs, ils m’ont regardée partir avec une joie non dissimulée à 15h. Ça m’a couté un bras, mes cheveux très courts ressemblent à de la paille séchée, et c’est sûr que je ferai sensation dans les rues de Mexico City, car ici toutes les filles ont la peau mate et les cheveux longs et noir.

Laurent tombe à la renverse en me voyant arriver. « Aaaah on dirait Coluche dans la vengeance du Serpent à Plumes. Ah ben comme ça je ne pourrais pas te perdre dans la foule ».  Tu sais parler aux femmes, mon amour ! 
Il est déjà 16h lorsque nous partons pour une première expédition en ville, métro, train et balade à Xochimilco. C’est un quartier populaire où les familles mexicaines aiment à se retrouver le dimanche pour partager un repas sur des trajineras, barques de bois multicolores, qui les promènent sur un réseau de canaux. Seuls vestiges existants de l'ancien lac Texcoco, peu à peu asséché pour la construction de la ville de Mexico. L’endroit était plus attrayant dans les guides. On est un peu déçu par l’aspect sale et délabré des lieux, mais nous ne sommes pas dimanche.

A peine rentrés, un violent orage inonde la ville et noie le feu d'artifice du Grito, cri de la liberté, qui se déroule la veille de la fête de l'Indépendencia.
Nous faisons mieux connaissance avec Robert. Il me fait penser à un ancien membre des commandos. Grand, rasé, musclé, regard clair énigmatique et avare de sourire. Il peint inlassablement des motifs de l’art amérindien, et se prend à rêver de vivre de son coup de pinceau.

Le lendemain matin, vendredi 16 septembre, on essaie de se fondre dans la foule pour apercevoir, par dessus des milliers de têtes brunes,  le défilé des différents corps d'armées, acclamés par des milliers de mains.

Les petits vendeurs à la sauvette laissent parfois brûler les galettes de maïs en levant les yeux au ciel, au passage des escadrilles d’avions de chasse.

Les gardes à cheval, sombrero de parade sur la tête veillent. C'est une fête très populaire, familiale et commerçante. Un gigantesque marché de rue s'est installé dans le centre ville, bloquant la circulation.

La police embarque parfois l'un de ces petits commerçants dans leur pick-up, sans qu'on en comprenne la raison. Ce qui est dommage c’est que tous les monuments officiels sont fermés et que nous ne pourrons rien visiter.

Heureusement, on peut admirer les jolies façades en faïence de La Casa de los Azulejos et les œuvres d'art de Sébastian En La Torre dans la cour d'une église. Nous avions déjà vu certaines de ses pièces exposées à San Antonio au Texas.
La parade terminée, les chars militaires se regroupent sur la place du Zocalo. Les petits et les grands prennent d’assaut les véhicules de guerre, escaladent les grosses chenilles d’acier et posent fièrement au côté des hommes en uniformes. Un militaire très aimable fait visiter son petit intérieur confiné, à une touriste un peu blonde, mais très curieuse. Partout les descendants des mayas, dansent en costumes traditionnels, glanant quelques pesos.

Mexico City, c'est grand, c'est très grand ! La vallée qui l'abrite, se trouve à 2250 m d’altitude, entourée de volcans culminant à plus de 5000 m.

Les constructions, après avoir mangé la vallée, dévorent le flanc des montagnes voisines. On en prend la mesure du haut de la tour Latino Americana de quarante deux étages, inaugurée en 1956. Elle a longtemps été la plus haute d'Amérique Latine.
Tout est minuscule vu d'en haut. De ce perchoir on observe la vie grouillante. Devant le palais des Arts Populaires, la foule agglutinée assiste à une séance photos du chanteur d’opéra, Fernando de la Morena qui se fait voler la vedette par la Vochol (contraction de Volkswagen et Huichol), une œuvre d’art originale. Il a beau être en redingote noire et multiplier les poses, la star incontestée, c’est la Volkswagen Beetle, dite « Coccinelle » de 1990, que huit artistes Huichol ont mis 9000 heures à  recouvrir de 2 227 000 minuscules perles de verre multicolores représentant les symboles de leur culture ancestrale. Elle a été dévoilée en septembre 2010 et entamera une tournée européenne en 2012.  
De retour sur la terre ferme, on voit soudain passer une moto orange. Une KTM, en mode baroudeur. Le pilote nous voit s’arrête, discute  et décide de venir boire un coup avec nous. 
Marc, beau garçon brun et bronzé est portugais et parle super bien français, car a vécu à Paris. Parti de New York en juillet,  il prend la même direction que nous. Il n’a pas de trajet prédéfini et avance au gré de ses rencontres... Et lorsque la fille est jolie il peut s’arrêter plusieurs jours.

Ce qui est amusant, c’est qu’il est passé à Guadalajara et avait remarqué notre moto à Tequila, garée devant la distillerie dimanche dernier. Aujourd'hui on le rencontre à un carrefour en plein centre de Mexico City. Le monde est petit !  Et pas plus tard que le lendemain matin, le voilà qui fend la foule sur le site de Teotihuacan et vient droit sur nous au milieu de 100 000 visiteurs. Faut dire qu'avec ma nouvelle couleur de cheveux, personne ne peut me louper !

Teotihuacan, se situe à 40 kms au nord-est de Mexico City. A son apogée, c’était la plus grande ville de toute l'Amérique Précolombienne. Elle a été construite environ 200 ans avant JC et habitée jusqu'à sa chute au VII siècle. Site UNESCO depuis 1987 il est l’un des plus visités du Mexique.
Malgré le monde, on peut profiter de la majesté des lieux, car entre le temple du Jaguar, et la pyramide de la Luna, il y a  une esplanade longue de trois kilomètres bordée de plusieurs édifices.
Tout l'après midi, on a escaladé les trois principaux. Avec des emmarchements de soixante centimètres, les mayas, qui n’étaient pas très grands devaient être très sportifs ! Car moi, qui ne suis ni l’une, ni l'autre, j'en ai bien bavé, dans les montées et les descentes. Assis sur un muret, un peu à l’écart de la grande allée principale on regarde cette succession de pyramides gigantesques escaladées par des visiteurs qui, de loin, ressemblent à des petites fourmis avançant à la queue leu leu.

Au sommet de la pyramide du Soleil, qui est la plus haute, la plus escaladée, et celle qui offre un superbe panorama, il y a un petit truc brillant incrusté que tout le monde veut toucher…Et je ne sais toujours pas pourquoi.
Pour notre dernière soirée, Robert nous propose d'aller place Garibaldi, où les mariachis louent leur répertoire musical. Les gens chantent, dansent, écoutent les sérénades en buvant un verre. Il y a une super ambiance, nous sommes samedi soir mais il parait que c'est comme ça tous les jours. Nous trinquons en levant notre godet. VIVA MEXICO !

Dimanche, c’est le départ. Robert sort sa moto et vient rouler avec nous.

La route est magnifique et sinueuse. Elle s'élève courbe après courbe pour offrir un panorama fabuleux sur la mégapole. Mais en y regardant de près, on se rend compte que les maisons en briques ou parpaings agrippées au flanc des montagnes ne sont que des bidonvilles. 
Cette route est un super spot à motards, avec des hypersports tous azimuts en combi full cuir et sliders râpés qui nous doublent de toute la puissance de leurs chevaux débridés.

Après avoir partagé un dernier repas dans un petit restaurant de rue, nous quittons Robert en lui souhaitant bonne chance pour son avenir d'artiste.

Taxi cox à Taxco

Quatre jours c'est trop peu pour découvrir Mexico City, mais je suis contente de reprendre la route. Je préfère les villes typiques à taille humaine.
Les 160 kms qui mènent à Taxco sont magnifiques et sinueux. Lorsque le revêtement est trop dégradé, des hommes, parfois ce sont des femmes et des enfants en guenilles, jettent trois pelletées de cailloux pour boucher les nids de poule et attendent en retour quelques pesos, lancés par les automobilistes, en guise de rétribution.

Les villages sont assez pauvres, et beaucoup se déplacent à cheval ou à dos de mule.

Nous sommes dans la région montagneuse du Guerrero.

Après une succession de pauvres pueblos, nous arrivons à Taxco de Alarcon. Il faut se dénicher un hôtel. Cette ville semble un peu plus touristique. On se dit qu'ici les prix vont être élevés. Au culot, Laurent négocie une chambre à l'hôtel de La Borda, un 4 étoiles pour 300 pesos (15€) alors que les prix affichés sont de 2000 pesos (environ 100€) ! L'hôtel est vieillissant, mais il a de beaux restes. Notre chambre bleue lavande donne sur  une piscine haricot, bleue marine, bordée de végétation tropicale et face à la ville qui s’étend sur la colline d’en face.

Pour le petit côté « people » Jackie et John Kennedy y ont séjourné durant leur voyage de noces.
On part tranquillement à la découverte de cette ville coloniale fondée en 1528. Construite à flanc de montagne elle a fait sa fortune grâce aux mines d'argent. Autant dire qu'on a passé une journée à monter et à redescendre le dédale des ruelles étroites et pavées, en admirant les vitrines de bijoux.

Sur la place principale, face à l'église Santa Prisca, dentelle de pierre rose sculptée, nous nous sommes installés au premier étage d’un bar, pour siroter un café hors de prix. Du balcon, on peut observer tranquillement l’agitation de la rue. Les policiers municipaux lunettes noires sur le nez, gilet pare balle, mitraillette en bandoulière, debout à l’arrière d’un pick-up passent, repassent, et re-repassent ; Les jeunes filles en uniforme, jupes plissées à carreaux rouge et bleu marine, chemisier blanc, chaussettes en laine rentrent de l'école. Monsieur en scooter, madame en passagère et l’enfant debout devant qui se tient au guidon. Une mob, trois personnes, un casque qui protège le chef…de famille !

Mais le clou du spectacle dont on ne se lasse pas, c’est le ballet incessant des taxis coccinelles blancs. Ils sont des centaines à sillonner la ville en tous sens. Les rues en pentes sont si étroites qu’il est impossible de se croiser. Chacun attend son tour  selon des règles connues d’eux seuls. On ne résiste pas longtemps à l'envie de faire, nous aussi, un tour dans cette petite voiture très marrante. Le siège avant a été retiré, ce qui facilite l’accès aux places arrières. La portière est maintenue par une chainette. La côte est si forte que parfois le conducteur doit rétrograder en première pour ne pas caler. Les embrayages patinent bruyamment dans les démarrages en côte, tout comme les pneus aussi lisse que les pavés.
Le taxi nous dépose au sommet de la colline où le Christo, bras en croix, veille sur la ville.

Le panorama est splendide.

On aperçoit notre hôtel au loin, qui est en fait un immense complexe noyé dans la verdure, dont seule une aile est encore en activité.

Ce promontoire, est le coin favori des jeunes, même très jeunes, amoureux, qui se retrouvent en sortant de l'école. Ils s’embrassent, se tiennent la main en se faisant des promesses éternelles et se prennent en photo avec leurs téléphones portables.

Pour redescendre à pied, un policier nous montre un raccourci à travers la forêt. On débouche sur la partie la plus haute de la ville.

Passages à pic, escaliers jonchés de gravats et de détritus, habitations de fortune de parpaings disjoints, terrasses d’où sortent encore des tiges d’acier, gardées par des chiens qui aboient furieusement  en nous voyant passer. On se dit que la vie doit être difficile par ici surtout pour les vieillards que j’imagine confinés dans leurs taudis, incapables de se déplacer dans de telles conditions. Ça nous ramène sans cesse à notre vie d’abondance et de facilités d’européens nantis. Il faudra se souvenir de ça, une fois rentrés en France.

Comme à notre habitude, nous cherchons le marché. On plonge littéralement dans ses entrailles. Un entrelacs de planches, de tôles ondulées et de bâches en plastique bleu, véritable labyrinthe qui s'enfonce en plein cœur de la ville. Les effluves des étalages de viandes non réfrigérés, nous lèvent un peu le cœur, mais on oublie vite le manque d’hygiène une fois attablés. Et puis les plats sont tellement pimentés qu’on se dit que les bactéries n’y résisteront pas.
Tandis que je profite une dernière fois de la piscine de notre vieux palace, Laurent installé dans un transat, laisse son regard vagabonder sur les toits de la ville.
Un dîner en amoureux conclu cette journée sur une petite terrasse fleurie au premier étage d’un restaurant. Je me régale d’une enchiladas à la mexicana, mon plat préféré.

« Oooooh noooon !!! Je ne veux pas partir, j'adore cette ville.
C’est à regret que nous quittons Taxco.

«  Allez vient ma blonde, ce soir je t'emmène dormir au pied d'un volcan » !
« Mais avec toi mon amour, c'est tous les soirs que j' dors à côté d'un volcan » !
La ville de Cholula est construite au pied du volcan Popocatépetl qui culmine à 5452m. 
Mais ce soir il est dans les nuages.

L’église, qui renferme un véritable trésor est perchée sur une colline abrupte. Et pour contempler ces merveilles il faut d’abord grimper des côtes et des escaliers pendant une bonne demi-heure. Les dorures et les mosaïques, recouvrent tous les murs. Malgré le peu de clarté qui perce à travers les vitraux, nous sommes éblouis par tant de richesses.

Les chambres de notre petit hôtel ouvrent sur une courette, où la moto et les voitures des clients sont en sécurité. Les portes en bois aux vitres dépolies sont peintes en rose. Un vieux rideau poussiéreux occulte la lumière. Le lit en fer est si défoncé que j’ai bien du mal à oublier les ressorts qui tentent de traverser le matelas et me labourent les côtes. Ce n’est pas très glamour, mais c’était le seul dans notre fourchette de prix. 

Le lendemain matin, le ciel est dégagé, alors on escalade à nouveau la colline pour découvrir, on l’espère, le volcan. Il est 8h30. On se retrouve au milieu de dizaines d'écoliers, qui nous regardent avec curiosité. Ils posent tout content pour une photo. Eux aussi viennent admirer le volcan. Quelle chance !  Le Popocatépetl est là, qui se découpe sur l'azur. Une écharpe nuageuse autour de son col enneigé, il fume de bon matin le bougre ! Une vraie carte postale.

Un bon petit déjeuner traditionnel avant de prendre la route, œufs brouillés, haricots noirs, et jus de fruits frais. Je paie, en laissant la monnaie sur le comptoir, ce qui représente un pourboire mirobolant. Je m’en rends compte mais je n’ose pas réclamer. La serveuse, pour nous remercier de notre « générosité » nous apporte tout sourire un godet de plastique, rempli d’une gélatine vert printemps. L'occasion de goûter enfin à cette spécialité consommée en abondance par les autochtones et qui se décline dans toutes les couleurs. On n’a pas le cœur de refuser. Laurent n'est pas convaincu, c'est très, très vert quand même !

Nous roulons maintenant en direction d’Oaxaca (prononcer  Ouaca). L’arrivée en ville est embouteillée, les véhicules hors d’âge, crachent d’épaisses fumées noires qui nous font suffoquer. On se trouve un autre petit hôtel bien pourri, mais il a l’immense intérêt d’être en plein cœur du centre historique. Il avait pourtant belle allure vu de l’extérieur ! Façade blanche et balcons bleus. Le matelas est gondolé, une canette de Coca traîne sous le lit, une couche de poussière noire recouvre la table de nuit, tout est marronnasse, même l'eau qui coule du robinet, je ne suis pas sûre de me laver les dents avec ça, moi ! Et je ne parle pas de l’état des toilettes.
Le réceptionniste avachi dans un fauteuil en skaï regarde un programme télé sans le son, et nous jette un regard torve. Sans perdre une minute après avoir déposé, nos affaires, nous repartons visiter le site de Monte Alban, à quelques kilomètres de la ville, classé au patrimoine de l'UNESCO.  Et c’est plein d’entrain que nous escaladons les pyramides des indiens Zapotèques. Le site est beaucoup moins étendu que celui de Teotihuacan. On a même le temps de visiter le musée avant la fermeture. De retour en ville, un couple de français ayant repéré la moto, nous attend en bas de l’hôtel.

Nous faisons la connaissance de Sandrine et Antoine, parisiens en voyage autour du monde pendant un an. 
Ils se déplacent uniquement en bus dans les pays qu’ils visitent  et en avion pour les changements de continents. Leur site Internet « Au temps béni de la route » est un petit bijou. Antoine fait de très belles photos et les textes de Sandrine sont savoureux.
Nous passons la soirée ensemble après avoir assisté au Congrès mexicain de la danse, en costumes traditionnels,  place du Zocalo. Emportés par la musique des couples de danseurs, en marge des participants officiels, font le show.

La ville est congestionnée jour et nuit. On déambule dans les rues commerçantes, partout des p'tits « bidules » pétaradants, sorte de triporteurs capotés, servent de mini taxis.

Les enfants vendent des bonbons, des femmes travaillent à leur métier à tisser, et vendent ensuite, tapis et broderies multicolores.

On pousse la porte des églises, toutes plus dorées les unes que les autres.

Etrange contraste avec les indiens qui ont à peine de quoi vivre.
Nous quittons Antoine et Sandrine après une petite bière fraiche, dégustée sur le toit terrasse de leur hostal, devant les lumières de la ville.
Juste au moment ou le sommeil gagnait enfin la partie contre les bruits de la rue, une sirène, des crissements de pneus et des hurlements viennent s’ajouter aux klaxons continuels des voitures. Une arrestation musclée juste sous nos fenêtres. La police veille et joue les Starsky et Hutch.
Au matin, sur la route, on s'arrête prendre un copieux petit déjeuner à côté d'un arbre gigantesque, El Tule, un cyprès de Montezuma, de 52m de circonférence. 

On file à Mitla, pour visiter quoi ? Des pyramides ! On y retrouve Sandrine et Antoine. Décidément on s’entend bien.

Pliés en deux, car « n'étaient pas bien grands les Zapotèques » on explore des galeries creusées dans les fondations des temples, et on escalade les vieilles pierres. Sandrine, guide en main, commente la visite.  Il semblerait qu’à quelques kilomètres de là, il y ait de magnifiques piscines naturelles, Hieve de Agua. Ok, c'est parti, on y va. Tandis que nos nouveaux amis attendent un hypothétique bus, sacs à dos plein d’entrain, nous prenons la route. On se dit qu’on n’aimerait pas du tout être tributaires des horaires, porter notre sac en toutes circonstances et passer des heures dans les transports en commun.
Je pense qu'on a du prendre un raccourci pour y aller, celui des chèvres ! 
La route est normale... au début. Enfin, quelques pavés disjoints au milieu des trous. Les cactus cierges, forment des haies infranchissables le long des ruelles. Peu à peu, les maisons disparaissent, le pavement aussi. La route devient caillouteuse, et n’est plus qu’un petit zigzag, que l’on devine au loin entaillant le flanc montagneux.

Ça monte sec. La piste est ravinée par les torrents d’eau qui doivent dégringoler du sommet, les jours de pluie.

Et ça descend sec aussiiiiii. Je filme quelques passages un peu techniques pour en profiter plus tard, sur l’écran de la télé du salon…un jour quand on sera rentré. Je suis terrifiée et ça me gâche un peu le plaisir malgré le panorama exceptionnel. Nous sommes passés de l’autre côté de la montagne !... « Mais elles sont oooooù les piscines ? ». La route me parait interminable. Et enfin nous arrivons.
Lieu magique auquel on accède à pied par un sentier empierré, bordé de cactus. On débouche sur une corniche découpée en cascades de concrétions calcaires d’où les eaux turquoise se jettent dans des bassins à débordement. On a le souffle coupé de tant de beauté naturelle.

Dommage que le site ne soit pas protégé, les fragiles concrétions aquatiques sont piétinées, les gens se baignent, et plusieurs bassins sont déjà asséchés. Il y a des canettes et des détritus ça et là. Je ne donne pas cher de ce lieu unique si rien n’est rapidement fait pour le préserver.
La suite n'était pas mal non plus, je ne sais pas comment on a fait, mais on s'est retrouvé sur une route en construction sans le savoir. Il n’y a aucun panneau pour indiquer les directions, et on a du faire plusieurs fois demi tour.
Les parois de la route, creusée à flanc de montagne, s'effondrent au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

Après avoir découvert la téquila, nous sommes maintenant à Matatlan, capitale mondiale du mezcal, à une soixantaine de kilomètres d’Oaxaca. Le mezcal est un alcool typique de la région. Il y a des centaines de panneaux qui proposent visites et dégustation. Voilà ce que j’ai lu sur sa méthode de fabrication.
Le cœur de l'agave peut peser 30 à 60 kg. Traditionnellement, il est tout d'abord cuit dans une palenque. Il s'agit de fosses coniques à ciel ouvert de 2 à 3 m de diamètre dont les parois sont faites en pierre, que l’on voit dans les cours des fermes.

L'ensemble est couvert de feuilles de palme, de terre et de pierre pour une cuisson à l'étouffée. Celle-ci dure entre 24 et 50 heures à environ 50 degrés.

Au cours de ce processus, les amidons se transforment en sucre. Avec ce mode de cuisson, l’agave s'imprègne aussi de la saveur de la terre et de la fumée.

Après la cuisson, on laisse refroidir pendant une semaine environ, puis le cœur est moulu pour extraire la pulpe par une roue de pierre tournant dans un pressoir.

On obtient de la mélasse  qui est mélangée à un peu d'eau et on la laisse fermenter dans une grande cuve pendant une à quatre semaines. Le jus fermenté est ensuite distillé plusieurs fois dans un alambic pour arriver à un alcool de 40 à 55 degrés.

Le même agave est utilisé pour le mezcal et la téquila, mais la méthode de production du mezcal est beaucoup plus « rustique » et artisanale que celle de la téquila. Il y en a qui dise que c’est un peu comme si on comparait un whisky pur malt et un alcool de contrebande. Il faudra goûter ça un de ces quatre.
La route file entre les cultures d'agaves et des lopins de maïs et s’élève insensiblement jusqu’à 2600m d'altitude. Maintenant ce sont des champs de cactus, de plus de 10m de hauteur qui bordent les routes.

Escale à Tehuantepec, juste pour la nuit dans un charmant hostal familial. Tellement familial, que nous dormons dans la chambre du fils de la maison, il a changé les draps, mais laissé ses photos personnelles sur la table de nuit, et sa brosse à dents dans le verre sur le rebord du lavabo. C’est folklorique, mais très sympa. En montant on passe devant la cuisine, où sont préparés les plats servis au restaurant. « Hum ça à l’air bon ! »

Le réveil est un peu matinal car les pétaradants « bidules » locaux, entrent en action dès les premiers rayons de soleil. Ceux-là sont un peu différents. A l’avant, ils ont une fourche de moto carénée, et à l’arrière, une sorte de chariot plat entouré de barres de fer, posé sur un essieu, les gens y sont debout. Comble du confort, certains sont équipés de deux bancs qui se font face. C’est le seul moyen de transport pour la plupart des citadins.

De nouveau, nous changeons d’état. La route est belle, à travers les montagnes du Chiapas.

Pour déjeuner, à Cintalapa, on se gare devant un petit restau de rue tenu par des femmes. On prend place sur les sempiternelles chaises et tables rouge siglées d’une célèbre marque de soda. A croire que tout le Mexique est sponsorisé par les bulles.  Une femme, sourire aux lèvres nous annonce le menu à toute allure. On n’a rien compris  madame ! Du coup on s'approche des marmites. La première contient des frijoles (haricots noirs épicés) ok, ça on connait, et c’est bon. Sous le second couvercle, une soupe dans laquelle nagent des pattes de poulets. «  Non merci ». Une autre femme, munie d’une  grosse pierre, attendrit vigoureusement de fines tranches de viande rouge qu’elle fait ensuite griller sur une plaque brûlante de fonte noircie. «  Ok si c’est bien cuit, on ne craint rien, goûtons-y ». 
Le plat arrive agrémenté de tomates, de poivrons en rondelles qu’on arrose copieusement de sauce salsa et du jus de ces savoureux minis citrons vert à disposition sur toutes les tables. Une assiette de galettes de maïs toutes chaudes complète le repas. Un vrai régal ! Comme quoi, il ne faut jamais avoir d’apriori.

Pour immortaliser ce pantagruélique déjeuner, je leur demande si je peux les filmer au milieu de leurs gamelles.

Ça les fait mourir de rire !                                                                                                                          
Du coup on devient super copines, mais c'est avec Laurent et la moto, qu'elles veulent être photographiées.

Rosa Linda, la seule en pantalon, s'enhardit et escalade la moto encouragée par ses copines hilares. Puis, mains sur les hanches, elles prennent la pose fièrement pour une photo souvenir. Nous leur demandons une adresse afin de pouvoir leur envoyer. Ce que nous ferons un peu plus tard de San Christobal de Las Casas. Je me prends à rêver qu’elles les ont punaisé sur le mur, en mémoire de ce petit moment de connivence.

Laurent a programmé deux nuits à Tuxla, il fait super chaud et humide. La ville est bruyante et toutes les rues du centre ville sont en travaux et impraticables. Le système d’évacuation des eaux et le réseau du gaz sont en réfections.

Nous voulons faire la balade en lancheria (bateau) dans le Canyon du Sumidero, classé Parc National.
Nous attendons notre tour pour monter dans le bateau. Un couple au look improbable monte à bord. Lui, une version miniature d’Indiana Jones, mais en short et muscles hypertrophiés, suivant de près sa femme, blonde, chapeau de paille, santiag et micro short échancré en satin jaune, couvée par plusieurs paires d’yeux concupiscents. «  Noooon je ne suis pas jalouse » !
La barque rejoint l’entrée du canyon à vive allure.

On se tord le cou pour regarder les falaises qui nous surplombent d’environ 1000m. Le guide qui conduit également la barque à moteur nous explique les particularités de cet endroit magnifique. Ici, les anfractuosités de la roche rappellent les traits d’un visage. Là une chute d’eau vertigineuse tombe en cascade et rebondi sur une végétation luxuriante, avant de se précipiter dans la rivière dans un vacarme assourdissant. L’homme avance la barque si près des chutes que nous sommes tout éclaboussés.

A côté d’un pont, plusieurs niveaux de plongeoirs métalliques, pour kamikazes sans doute, car sauter ce n'est pas simple, mais sortir de l'eau doit être encore plus compliqué vu qu’ il y a plein de crocodiles. Malgré leur apparente immobilité, ils sont bien vivants, gueules grandes ouvertes sur les berges.
Et sans qu'on s'y attende, sous le charme du paysage, au détour d'une courbe du fleuve, une déchetterie flottante stagne là, bloquée par les courants. Passée la surprise, le dégout s’installe.
Le guide explique que çà vient des villes environnantes. Il doit faire plusieurs manœuvres pour libérer l'hélice des immondices... L’eau est épaisse. Pourvu qu'on ne tombe pas en panne au milieu de toute cette pourriture ! Des milliers de bouteilles plastiques flottent engluées dans ce cloaque nauséabond. L'horreur !

Les seuls à y trouver leur compte, sont des vautours, qui attendent patiemment sur un tronc mort, quelque chose à se mettre dans le bec.
A la sortie du Canyon, j’adresse une prière muette à Notre Dame de Guadalupe. Sa statue trône au fond d’une petite grotte, uniquement accessible par une échelle, « priez pour eux !».

C'est rien de dire que ça nous a gâché le plaisir.
Depuis notre arrivée au Mexique, on aime vraiment ce pays et les gens, mais il y a un truc qui nous choque beaucoup, c'est le peu de respect qu’ils ont pour leur environnement. 
Partout, des détritus jonchent les rues, les rivières et le long des routes, jusque dans les campagnes les plus reculées. Le traitement des déchets est quasi inexistant. Très peu de poubelles à disposition et le ramassage est aléatoire. Les immondices sont enterrées ou brulées à ciel ouvert, ou bien déversées à la sortie des villages sur les bas côtés des routes. 
Y a du boulot !!! Vous avez un pays magnifique, par pitié, prenez en soin !
Nous nous  demandons si l’écologie et le respect de l’environnement ne seraient pas essentiellement une préoccupation de pays dits riches.
Voilà c'était notre coup de gueule !
C’est dans cet état d’esprit, qu’en retournant à l’hôtel, Laurent en remontant les files de voitures par la droite  se fait coincer contre une voiture en stationnement. La femme qui nous a percutés  se confond en excuses. Plus de peur que de mal, heureusement.